L'œuvre d'Alain Badiou est si ample et variée - elle le serait encore plus si on prenait en compte les romans, les pièces de théâtre, les essais d'esthétique musicale ou cinématographique -, ses interventions dans l'espace public si nombreuses qu'avec un peu de mauvaise foi, on pourrait lui faire dire tout et le contraire de tout. Aussi est-il raisonnable, quitte à la mutiler et à en effacer de multiples facettes, de la faire «tenir» sur une seule diagonale : celle que dessinent l'Etre et l'Evénement, de 1988, et ses deux «suites», Logiques du monde, de 2006 et l'Immanence des vérités, de 2018. Cette diagonale est le signe d'une fidélité et d'une cohérence, car jamais Badiou ne s'est départi de ce geste initial - à tous égards platonicien - qui, dès l'époque où régnaient le «conflit des interprétations», le relativisme, les proclamations d'une «fin» touchant l'histoire et grandes narrations, sinon la philosophie elle-même, relançait hardiment la conception de la philosophie comme recherche de la vérité.
La vérité dont parle Badiou n’est évidemment pas la saisie naïve de l’être par le logos. Comme chez Platon, elle est mathématique - mathématique et ontologie coïncident donc - mais se trouve conditionnée, c’est-à-dire reliée à quatre domaines, ou quatre procédures génériques : la science, l’art, la politique, l’amour. Elle vise un être structurellement multiple (conçu chez Badiou selon la théorie des ensembles) dont la position, la situation ou l’«in