C’est un débat récurrent depuis que le Prix Nobel de chimie Paul Crutzen l’a forgée au début des années 2000 : la notion d’anthropocène est-elle la plus pertinente pour désigner le moment que nous vivons ? En pointant l’influence des humains sur les grands mécanismes climatiques et géophysiques du globe, le nom de cette nouvelle période géologique a le mérite de montrer le caractère global de la crise écologique… mais sans différencier les humains selon leur niveau de responsabilité ou de vulnérabilité. Certains se sont donc attachés à affiner la notion. D’autres ont proposé d’autres mots, comme «capitalocène», qui insiste sur les ravages du capitalisme, dont l’humanité tout entière ne saurait être tenue responsable. Dans son essai
Une écologie décoloniale
(Seuil), laurét 2019 du prix du livre d’écologie politique, l’ingénieur en environnement et politisate Malcom Ferdinand, chercheur au CNRS, parle quant à lui de «négrocène». Pas par plaisir du néologisme, mais pour montrer à quel point la crise écologique est liée à la question (post) coloniale : pour lui, l’entreprise occidentale de domination du monde s’est traduite par l’exploitation du «nègre» réduit en esclavage, mais aussi de la nature.
«Le négrocène signale l’ère géologique où l’extension de "l’habiter colonial" et les destructions de l’environnement s’accompagnent de la production matérielle, sociale et politique de nègres»,
écrit-il, invitant à ne plus voir exclusivement dans cette figure celle de l’