Questions à... Marc Maillot, directeur de la Section française de la direction des Antiquités du Soudan (SFDAS).
Après avoir soutenu un Doctorat en Égyptologie à l'Université Paris IV-Sorbonne, Marc Maillot a récemment été nommé directeur de la SFDAS. Spécialisé dans l'architecture méroïtique et vernaculaire, il participe aux missions françaises de Saï (SFDAS/CNRS) et d'el-Hassa (Louvre/SFDAS/NCAM/CNRS). Il est également membre associé du laboratoireOrient et Méditerranée, composante mondes pharaoniques (UMR 8167 CNRS) depuis 2013, et professeur assistant associéà la section Anthropologie de l'Université centrale de Floride depuis 2015.
Quelles fouilles la SFDAS mène-t-elle actuellement ?
Les recherches actuellement menées par la SFDAS portent sur trois périodes que sont le Néolithique, la conquête égyptienne de la Nubie et les royaumes de Napata et Méroé. C’est principalement par les fouilles et les prospections que les programmes de recherche de la SFDAS sont mis en application. Nos axes de recherche ont fait l’objet de missions sur le terrain, doublées de missions d’études sur des collections au Musée National du Soudan. Ces missions ont permis de progresser sur les problématiques historiques, mais aussi d’expérimenter de nouvelles approches méthodologiques comme cela a été le cas dans le programme d’étude de la population de l’île de Saï, site archéologique dont la direction est assurée par Vincent Francigny (CNRS, UMR 8167 Orient et Méditerranée).
Quels sont les chantiers pour le néolithique ?
La thématique développée pour le néolithique se concentre principalement autour du gisement archéologique de Kadruka et sur la documentation de la mission autrefois dirigée par Jacques Reinold. Le volet préhistoire porté par des fouilles dans la région de Kadruka a confirmé, avec une amplitude inattendue, la présence d’habitats du IVème millénaire avant notre ère. Cette mission est portée par une équipe internationale, dirigée par Olivier Langlois (CEPAM, Nice), Philippe Chambon (MNHN, Paris) et Pascal Sellier (MNHN, Paris).
Quels sont les chantiers pour la conquête égyptienne de la Nubie ?
Le projet sur la conquête de la Nubie par les égyptiens, qui s'est poursuivi avec la fouille de la ville antique à Saï, laisse déjà entrevoir une réécriture minutieuse et documentée de cet événement majeur. C'est aussi l'occasion de traiter une documentation purement égyptienne (architecture, textes, décors et culture matérielle). Sur le site de Saï, les premières études menées sur la ville égyptienne et son mobilier archéologique (notamment céramique) ont tendance à montrer qu'il existerait un vide d'occupation entre la période égyptienne et la période chrétienne. Cette première conclusion ne vaut cependant que pour les zones sondées au nord du site et il pourrait en être autrement dans d'autres quartiers de la ville.
Cependant, une nouvelle analyse en cours de vestiges architecturaux qualifiés de méroïtique et mis au jour dans les années 70 semble remettre en question cette datation. Il se pourrait donc qu’aucun véritable horizon archéologique napatéen ou méroïtique n’existe en fait sur les niveaux supérieurs de la ville antique, et que les habitats liés à ces époques soient à rechercher à d’autres endroits de l’île.
Quels sont les chantiers pour les royaumes de Napata et Méroé ?
Les recherches sur le patrimoine datant de l’Antiquité tardive sont principalement représentées au Soudan par l’archéologie du royaume de Méroé. Les sites royaux aux vestiges monumentaux furent longtemps les principales cibles d’intervention des équipes travaillant en Nubie ou dans le Boutana. Depuis une quinzaine d’années cependant, les archéologues ont investi les sites satellites construits autour de l’ancienne capitale, affinant nos connaissances sur les modèles de développement urbain, l’architecture, l’économie et les réseaux commerciaux, ainsi que la théologie prônée par les élites provinciales.
Dans ce cadre d'étude prometteur, la France a ouvert deux missions de fouilles dans les années 2000 dans la région de Shendi, au Nord-Est de Khartoum : l'une à el-Hassa (concession de la SFDAS) et l'autre à Mouweis (concession du Musée du Louvre). Il s'agissait de renforcer la visibilité de la coopération archéologique française au Soudan sur le terrain, la plupart des opérations françaises étant menées jusqu'alors dans les territoires plus éloignés de Nubie. Les deux projets ont en commun de documenter des relais du pouvoir possédant un temple dédié au dieu Amon, plusieurs édifices palatiaux ainsi que des zones de productions artisanales. Fin 2019, il est cependant prévu de cesser les recherches sur le site de Mouweis, le Louvre souhaitant concentrer ses efforts sur le site d'el-Hassa qui deviendrait ainsi sa nouvelle concession au Soudan (le site avait été ouvert à la fouille par l'ancien directeur de la SFDAS Vincent Rondot, qui dirige aujourd'hui le département des antiquités égyptiennes du Louvre).
Sur les sites de Saï et de Sedeinga, sur lesquels la question de l'étude des sanctuaires et des habitats kouchites tardifs se pose également, peu de recherches avaient été menées en ce sens jusqu'à cette année. En 2018, à Sedeinga, fouille dirigée par Claude Rilly (CNRS, UMR 8135 LLACAN, professeur à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes) et Vincent Francigny, une première prospection magnétométrique aux abords du temple égyptien et des cultures a en effet été conduite. Une seconde phase doublée de carottages devrait avoir lieu en 2019, l'ensemble devant permettre de déterminer si des vestiges urbains ont réellement survécus.
Quelle place occupe le Soudan dans la recherche archéologique en Afrique ?
Devenu le deuxième volume sur le continent africain, après l'Égypte, en termes de missions archéologiques françaises, le Soudan confirme donc son potentiel pour la recherche autant qu'il souligne sa fragilité à protéger seul un patrimoine aussi vaste qu'exceptionnel. Grâce à des financements extérieurs importants et une politique de publication et de communication dense, la SFDAS a su conforter sa place unique au sein de la coopération scientifique avec le Soudan. C'est tout le sens des projets transversaux que la SFDAS mène actuellement, notamment avec le réseau EUNIC (European Union National Institutes for Culture). La SFDAS est ainsi associée à l'Union Européenne, à l'Institut Français du Soudan (IFS) et au service des antiquités soudanais (NCAM) dans le cadre d'un programme visant à promouvoir l'histoire et l'archéologie soudanaise auprès du public soudanais.
Enfin, l’intégration de l’IFRE aux objectifs fixés par la diplomatie culturelle et l’ambassade de France a continué de se renforcer, permettant ainsi la tenue de grands évènements bilatéraux, telle la grande exposition prévue par le musée du Louvre en 2020 sur le royaume de Napata, en collaboration avec l’ambassade de France et la SFDAS.
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