«Toute personne un peu instruite des choses de notre temps voit clairement […] la décadence des Etats gouvernés par l’islam, la nullité intellectuelle des races qui tiennent uniquement de cette religion leur culture et leur éducation.» Cette phrase n’a pas été prononcée sur le plateau de CNews la semaine dernière, mais devant la Sorbonne en 1883. Son auteur était Ernest Renan, figure intellectuelle de la fin du XIXe siècle, dont la pensée a incarné autant qu’elle a influencé une «islamophobie savante» en vogue chez les élites de la IIIe République, raconte Olivier Le Cour Grandmaison dans «Ennemis mortels», paru à La Découverte. Auteur de plusieurs livres sur la période coloniale, le politologue s’intéresse dans ce nouvel ouvrage à la manière dont la France a mis cette pensée anti-musulmans au service de ses politiques coloniales. Son travail fait écho au climat du moment, marqué entre autres par le retour au premier plan de polémiques autour du voile.
Vous montrez dans ce livre que la colonisation française s’est accompagnée d’une islamophobie «savante et élitaire», répandue dans les hautes sphères de la société.
A la fin du XIXe et au début du XXe siècle émerge un racisme de type «scientifique», et en même temps surgit une islamophobie savante. Nombre de spécialistes des religions et des colonies pensent alors que si la variable ethnico-raciale est indispensable pour rendre compte d’une partie des spécificités des Arabes, elle est insuffisante pour en avoir une connaissance aussi précise et complète que possible. De là de très nombreux ouvrages consacrés à l’histoire de l’islam et aux carac