Pouvoir choisir notre fin de vie, reste un interdit d’état. Mais à quel titre nos représentants peuvent-ils s’opposer à un choix largement plébiscité par la population ? De quelle légitimité tirent-ils ce droit ? Sur ce sujet sommes nous tous des mineurs incapables de pouvoir faire valoir notre décision ?
La dernière affaire en cours concerne un médecin, le docteur Jean Méheut-Ferron en Normandie auquel la justice reproche d’avoir donné du Midazolam a des patients en fin de vie à leur domicile ; produit utilisé dans la sédation profonde mais dispensé uniquement dans les pharmacies des hôpitaux.
Pourquoi devrait-on majoritairement mourir à l’hôpital ? Seulement un quart des personnes meurent à leur domicile. A quoi sert de passer par la case Urgences lorsqu’on sait qu’il n’y a plus rien à faire ? Mais quelles sont les autres solutions quand les médecins de ville sont soit absents soit ne veulent pas prendre en charge ces situations ?
S’attaquer à un médecin de ville qui prend la décision, et c’est tout à son honneur, de prendre en charge la fin de vie d’une personne à son domicile n’est pas admissible.
Cette réaction de la justice n’est qu’un exemple de plus de l’hypocrisie d’un système qui ne veut pas entendre les demandes justifiées de personnes en fin de vie.
Cette hypocrisie se concrétise par ce chiffre : 3000 suicides déclarés de personnes âgées. Chiffre largement sous-estimé puisque ne sont recensés que les suicides reconnus comme tels, et non pas toutes les situations de suicides par abandon de traitement ou autres décès suite à des événements que l’on pourrait assimiler à des conduites à risques... Ce chiffre est comparable au nombre de morts par accident de la route, pourtant qui en parle ?
Beaucoup de ces suicides sont liés à un désespoir, à des conditions de vie qui ne permettent plus d’avoir l’envie de vivre : grande solitude, impasse dans les décisions à prendre, dépression...
Le rôle de l’Etat devrait être de veiller à ce que les conditions de vie des personnes âgées restent dignes et permettent à chacun, chacune d’avoir un environnement bienveillant. Mais le rôle de l’Etat n’est pas d’empêcher de mourir des personnes qui sont dans une impasse thérapeutique ou qui n’ont plus le désir de vivre.
Le rôle de l’Etat n’est pas d’empêcher des médecins de ville d’accompagner au mieux les personnes qui souhaitent mourir.
Le rôle de l’Etat n’est pas de mettre en avant un principe de précaution qui empêche de proposer des conditions de mise en place de suicide assisté ou d’une euthanasie active.
Bien sûr, ces droits doivent être encadrés et respectueux des personnes ; mais je pense qu’en France un grand nombre de personnes se sont penchées sur les aspects éthiques pour qu’une loi puisse enfin prendre en compte un choix qui est intime et qui appartient à chaque individu.
Ne pas autoriser ces choix, c’est maintenir dans le désespoir les familles et les personnes qui, en toute conscience, souhaitent mettre fin à leur jour dans des conditions dignes.
La loi Léonetti ne permet pas aujourd’hui de respecter ce choix :
Aider à mourir quand on le souhaite, dès l'instant où l'on juge que la personne est compétente pour prendre ce choix et où ses conditions de vie ne peuvent être améliorées.
Encore une fois, comme pour d’autres sujets concernant notre corps, nous sommes considérés comme incompétents dans notre décision de mourir.
Ce droit que l’on nous enlève ne fait qu’accentuer le désespoir et la souffrance et trouver des solutions qui sont soit dangereuses, soit qui peuvent conduire au pire.
Comme pour l’avortement à son époque, beaucoup de personnes réfléchissent à des stratégies pour contourner cette interdit : partir en Suisse pour le suicide assisté, partir en Belgique pour demander une euthanasie active, se rapprocher d’associations qui pourraient aider, trouver des médecins compatissants ou faire soi-même le travail en se suicidant avec plus ou moins de succès...
Oui, la sédation profonde et continue ainsi que les soins palliatifs permettent de répondre à certaines situations, mais pas à toutes.
Je suis confronté dans ma vie à des personnes qui ne sont pas hospitalisées, qui souffrent, qui ne sont pas dans des épisodes dépressifs, qui ne voient plus d’issues possibles à part leur mort prochaine et pourtant auxquelles je ne peux apporter aucune solution dans mon écoute et mon accompagnement.
Combien faudra-t-il de témoignages poignants de personnes qui souhaitent mourir et qui expriment leur demande à un système qui ne veut pas entendre leurs souffrances ?
Ce n’est plus tolérable, de penser que pour des préceptes moraux ou des principes de précaution on ne puisse pas avoir l’empathie que l’on a pour aider notre chien ou notre chat à mourir.
Notre choix ultime nous appartient.
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