Dans
le Consentement
(Grasset, 2020), Vanessa Springora dénonce les structures qui ont permis à l’écrivain Gabriel Matzneff d’opérer des relations d’emprise sur de très jeunes adolescents et adolescentes, tout en amusant la galerie. De même, dans sa prise de parole, Adèle Haenel demandait instamment à ce que les arcanes de la domination soient questionnés, plutôt que de jeter l’hallali sur un seul homme. D’une certaine manière, dans son
Histoire de la pédophilie : XIXe-XXIe siècle
(Fayard 2014), l’historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu, spécialisée dans l’histoire du viol, de l’indignation et de la pédophilie, répond à ces interrogations par un voyage dans les archives judiciaires. Ici, nulle fascination pour la figure du criminel. Mais une analyse claire de comment nos représentations du monde bougent par vagues successives, jusqu’à la prise en compte récente de la parole des jeunes victimes.
Qu’est-ce qui vous frappe dans cette séquence où les victimes de pédophile et de la domination masculine prennent la parole et provoquent un cataclysme ?
En ce qui concerne Gabriel Matzneff, ce qui me frappe est l’hypocrisie ou l’ignorance : l’ensemble des médias explique à la fois que tout le monde savait et fait mine de découvrir ses textes et ses pratiques. Gabriel Matzneff a pu dire ce qu’il a dit et écrire ce qu’il a écrit, car il est admis comme allant de soi que le corps des enfants et des femmes est à disposition des hommes. L’autre fait remarquable est qu’on est entré, depuis trente ans, dans un cycle où l’on a besoin d’entendre la parole des victimes. Auparavant, dans les affaires de crimina