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Interview

Emmanuel Todd : «L’identité de la France, c’est la lutte des classes, pas de taper sur les Arabes ou de se prendre pour des Allemands»

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Baisse du niveau de vie, sadisme social des élites, Emmanuel Macron plus étatiste que libéral : dans son dernier essai, le démographe décrit une société française atomisée par la peur de l’appauvrissement. Mais qui, grâce au mouvement des gilets jaunes, se mobilise à nouveau pour des enjeux socio-économiques.
Emmanuel Todd chez lui à Paris, le 4 septembre 2017. (Photo Roberto Frankenberg)
publié le 21 janvier 2020 à 17h06

Il le dit lui-même, c'est un livre «civique et expérimental», un «exercice fondamentalement spéculatif». Un livre virulent où chacun en prend pour son grade - Emmanuel Macron bien sûr, mais aussi La France insoumise (LFI) ou Pierre Bourdieu. Ceux qui raffolent de l'humour ravageur et des fulgurances d'Emmanuel Todd s'y retrouveront. Pour les autres, il manquera des données solides pour appuyer la thèse centrale du démographe : le vrai problème français n'est pas la montée des inégalités, mais bien au contraire la baisse du niveau de vie de tous (bourgeoisie comprise) due à la monnaie unique et à la politique d'austérité européenne. Du prolo au cadre sup parisien coincé dans son appartement trop petit : tous losers.

Le titre du dernier livre d'Emmanuel Todd, les Luttes de classes en France au XXIe siècle (Seuil), est bien sûr un clin d'œil à Marx. Non pas que le démographe, «ancien stalinien», comme il le dit en s'esclaffant, en appelle à un retour au marxisme, mais parce qu'il admire chez l'auteur du 18 Brumaire son «instinct», son «audace», ses «coups d'œil ravageurs» (suivez mon regard).

Emmanuel Todd distingue quatre «nouvelles classes sociales» : tout en haut, «l'aristocratie stato-financière» (1 % de la population), «qui se fait piétiner par les Allemands et les Américains et se venge sur les Français». Ce sont sans doute les seuls vrais gagnants de notre système.