Le 22 janvier, la proposition de loi de la députée Avia était discutée à l'Assemblée Nationale. Beaucoup de militants en faveur de la liberté numérique ou contre les discriminations se sont prononcés contre ce texte, contre productif, posant un risque démesuré de censure en accordant aux géants du net des pouvoirs de juges.
La PPL présentée comme moyen de lutter contre les contenus haineux, a inclus également les contenus considérés comme illicites, ouvrant une boite de pandore à de nouvelles formes de censure. L'amendement CL93 en particulier, visait à interdire les contenus contrevenant à diverses infractions dont celle du proxénétisme. Or, la définition du proxénétisme est si large en droit français que les simples annonces des escortes pouvaient tomber sous le coup d'une interdiction plus sévère qu'aujourd'hui, avec obligation de retrait du contenu sous les 24 heures par les plateformes elles-mêmes. Toute «aide à la prostitution» étant interdite par le «proxénétisme» cela pouvait aussi toucher des contenus militants et associatifs en faveur des droits des travailleurSEs du sexe.
[#PPLCyberhaine] J'ai défendu un amendement visant à retirer les contenus susceptibles de relever du #proxénétisme et de la traite des êtres humains du champ de l'obligation de retraits sous 24H compte tenu des difficultés de qualification rapide de ce type de contenus. pic.twitter.com/LiELSK5Oww
— Raphaël Gérard (@RaphaelGerard17) January 21, 2020
Deux amendements, un gouvernemental et un provenant du député Raphael Gérard ont donc proposé de retirer du texte l’amendement contesté et tous deux ont été adoptés. C’est une victoire importante pour les escortes, parce que les conséquences de cet amendement auraient pu être désastreuses, mais aussi parce que nous n’étions plus habitués à gagner des batailles politiques dans ce système très anti-travail sexuel.
L’argumentation en faveur du retrait du «proxénétisme» est par ailleurs intéressante, parce qu’elle reconnait implicitement le flou de sa définition en droit et l’étendue injuste de son application. Cela fait des années que les travailleurSEs du sexe dénoncent les lois sur le «proxénétisme» exactement pour ces raisons, et le parlement reconnait enfin indirectement la légitimité de cette contestation.
Bertoulle Beaurebec se coud les lèvres en protestation de la censure de la PPL Avia.
Beaucoup de travailleurSEs du sexe se sont mobiliséEs contre cette PPL et ont en partie de quoi se réjouir. En partie seulement, car un autre amendement beaucoup plus discret a été adopté concernant la pornographie. Cela pourrait réduire considérablement l’usage d’internet des camgirls/boys, nudeuses et actrices indépendantes, tentant de faire leur auto-promotion en dehors des grandes productions.
Étrangement des représentants des plus grosses productions françaises de pornographie ont été reçus par le gouvernement tandis que le STRASS, syndicat des travailleurSEs du sexe a été ignoré durant tout ce débat. Certaines travailleuses du sexe se demandent si cette nouvelle censure du net n’est pas un moyen pour les grosses productions d’empêcher le développement de l’autoproduction de la part des travailleurSEs du sexe indépendantEs qui ont fortement besoin des plateformes en ligne pour se faire connaitre.
Une autre proposition de loi contre les violences conjugales est déjà en cours de préparation contenant un article assimilant la pornographie à une cause des violences de genre. Cette fois sous couvert de protection des mineurs, les sites pourraient être condamnés s’ils ne parviennent pas à leur en empêcher l’accès. On se demande comment cela va pouvoir s’appliquer juridiquement si le mineur ment sur son âge et utilise une fausse identité, raisons pour lesquelles les interdictions actuelles ne fonctionnent déjà pas bien. La prohibition est toujours contournée d’une manière ou d’une autre, et pourtant c’est toujours la seule réponse politique. Peut-être serait il bon d’envisager plutôt une politique de prévention et d’éducation à la sexualité se basant sur les réalités vécues par les adolescents, mais ne rêvons pas trop.