Si j'ai bien compris, plus que jamais il va falloir voter avec des gants. Et ce sera peut-être la situation où il faudra éviter un trop grand huis-clos, pour qu'il n'y ait pas une participation de l'ordre de la létalité prétendue du coronavirus. On a autre chose à fouetter ces jours-ci que ce candidat-ci ou cette candidate-là. Quand on passera devant l'assesseur, nous dira-t-il «bas le masque» ? En tout cas, le coronavirus, ce n'est pas comme le chômage, la pauvreté, la croissance, le climat ou l'insécurité : personne ne prétend avoir la solution contre cet immigrant sauvage - à part le bon docteur Trump et son élixir magique, Keep America safe again. Personne ne dit : «Elisez-moi maire et pschitt le coronavirus dès lundi, et gratis.» On a cependant notre chauvinisme, plus national que local, et on ne voudrait pas que notre coronavirus à nous ressemble à celui des Chinois ou des Iraniens ou des Italiens. Et en même temps, ce n'est pas du complotisme mais il faut bien reconnaître que cet agent infiltré a tout l'air de nous arriver de l'étranger, bardé des intentions les plus fourbes dans l'espoir qu'un sang impur abreuve les sillons que le monde nous envie. A qui faut-il reprocher cette naturalisation express du virus ? Pour faire la nique au corona, barricadons-nous, fermons les frontières. Scènes de douane : «Rien à déclarer ? Même pas un petit 37,7 fillette» ? Maintenant, il faut être à égalité de température. «Les 38, 39, 40, ne me suivez pas, les 36 et 37, par ici.»
Quel est le meilleur candidat pour lutter contre le coronavirus ? Normalement, le maire est l’élu de proximité, celui à qui il ne faut surtout plus serrer la main ni faire la bise. En l’occurrence, mieux vaut le garder à bonne distance, l’élu de proximité. Et, à moins d’un coup de théâtre et qu’une participation éléphantesque survienne dimanche soir grâce aux kamikazes de la démocratie, il faut craindre qu’en définitive les fameux élus de proximité ne soient un peu vexés de se révéler avoir si peu de proches. Ils pourront difficilement la ramener, pour des vainqueurs. Il n’y a pas que les salles de spectacle qui se vident, le spectacle de la politique lui-même est en petite forme. En outre, pour les municipales, ça va être difficile de fêter la victoire s’il faut être tout seul ou sans personne à deux mètres - pour les vaincus, au contraire, ça facilitera la désertion des prétendus fidèles. Sinon, on fera péter les cacahuètes avec quelques confettis et un chapeau pointu. «On a gagné», chantera-t-on tout seul de la salle de bain à la cuisine.
On devrait commencer à s’y accoutumer, passant sans cesse de l’un à l’autre : «Tiens, v’là le krach.» Mais non, à chaque nouvelle fois, les cours tombent de haut. Avec le coronavirus, on a la finance sous assistance respiratoire en réanimation. Plus encore que les hôpitaux, les gouvernements sont débordés et semblent dire «oh oh, on n’a que deux bras», quand ils ne sont pas juste manchots. En même temps, il y a quelque chose de rassurant à ce que les Bourses soient désormais entre les mains de médecins : on aurait tendance à leur accorder une plus grande compétence qu’aux experts financiers. Le curieux est que si une grève avait été à ce point générale qu’on en arrivait à arrêter tout, de prendre l’avion, de travailler, de sortir de chez soi, on imagine les répercussions politiques tous azimuts que ça aurait. Mais là, si j’ai bien compris, on dirait qu’après la quinzaine du blanc, il y a la quatorzaine du coronavirus, point-barre.