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Epidémies et sociétés : le Coronavirus et les leçons du passé au Sénégal

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Texte d’Adama Aly PAM, docteur en histoire et chef archiviste de l’UNESCO (see English version below). Empruntant les routes de la soie, le corona virus met le monde en état de siège. Cette situation pour spectaculaire qu’elle soit n’est pas une première dans l’histoire de l’humanité. L’histoire récente des épidémies en Afrique est un excellent moyen d’analyse et de comparaison. Elle révèle des invariants et des tendances lourdes dans la gestion des épidémies par toutes les sociétés humaine
Démoustication des véhicules © asnom
publié le 15 mars 2020 à 8h34

Texte d'Adama Aly PAM, docteur en histoire et chef archiviste de l'UNESCO (see English version below).

Empruntant les routes de la soie, le corona virus met le monde en état de siège. Cette situation pour spectaculaire qu'elle soit n'est pas une première dans l'histoire de l'humanité. L'histoire récente des épidémies en Afrique est un excellent moyen d'analyse et de comparaison. Elle révèle des invariants et des tendances lourdes dans la gestion des épidémies par toutes les sociétés humaines quelle que soit leur degré d'organisation matérielle. Les épidémies sont en définitive un excellent coup de projecteur sur les sociétés et les groupes sociaux. Elles révèlent les niveaux de solidarité, de la prise en charge des veuves, des orphelins et des pauvres mais également de la gestion de la peur et de la mort. Finalement, la maladie n'est pas seulement une affaire des médecins et des gouvernants. La maladie, expérience individuelle par excellence, est inévitablement le terrain d'exercice, voire d'affrontements, de valeurs morales ou religieuses, de mythes populaires, de théories scientifiques. Cela est d'autant plus vrai que la maladie est avant tout une construction sociale avant d'être une réalité biologique d'où l'intérêt des sciences humaines et sociales pour adresser le nouveau défi du Corona.

Il y a 92 ans, du 23 au 30 avril 1928, se tenait à Dakar, la Conférence inter-coloniale sur la fièvre jaune. Une autre terreur des temps modernes transmise à l'homme par un virus. Convoquée sur l'initiative du gouverneur général de l'AOF, Jules Carde, avec l'assentiment du ministre des Colonies, Léon Perrier surtout avec l'émoi suscité en « métropole » par les épidémies de 1900 et de 1927. Dans son discours inaugural de la conférence, J. Carde rappelle que si les médecins américains, anglais et français ont vécu côte à côte pendant la Grande Guerre et qu'ils ont appris à se connaître, en Afrique, la bataille continue et il convient, ici de réaliser un nouveau front unique pour lutter contre l'ennemi commun qui est le typhus amaril. Aujourd'hui, Le monde fait face de la même manière à un défi sanitaire global causé par un autre virus.

La crise épidémique COVID19 intervient à un moment particulier de l’histoire du monde marqué par la mondialisation de l’économie mais aussi une mondialisation des pathologies qui naguère étaient confinées dans des espaces géographiques déterminés. Elle met en lumière le défi de la solidarité sanitaire internationale et le rôle et la place des sciences humaines et sociales dans la gestion des faits de santé. En effet, les intérêts d’une étude historique de la maladie sont nombreux :- En premier lieu, les phénomènes pathologiques sont un reflet fiable de l’état social, économique et culturel d’une région ou d’une époque. En effet, l’épidémie agit comme un coup de projecteur sur la société. Elle dévoile les individus et les groupes face au danger diffus de la mort et permet d’appréhender entre autres, les rapports de classe et de pouvoir entre différents groupes sociaux, leur degré de solidarité, la gestion sociale de la mort, etc.
Aussi le regard que l’homme porte sur la santé, la maladie et la mort, est riche d’enseignements sur l’état de la société dans laquelle il vit. Abondant dans le même sens, Jaques Revel écrit :

La maladie est presque toujours un élément de désorganisation et de réorganisation sociale; à ce titre elle rend souvent plus visible les articulations essentielles du groupe, les lignes de force et les tensions qui le traversent. L'événement morbide peut donc être le lieu privilégié d'où mieux observer la signification réelle de mécanismes administratifs ou de pratiques religieuses, les rapports entre les pouvoirs, ou l'image qu'une société à d'elle-même. L'exclusion sociale en temps d'épidémie, qui peut aller du soupçon au massacre et se porter selon les cas connus sur les pauvres ou les notables, les juifs ou les médecins. Jacques REVEL, Jean Pierre Peter : ''Le corps : l'homme malade et son histoire'', Jacques Le Goff, Pierre Nora (éds) : Faire de l'histoire : nouveaux objets, Vol. 3, p. 231. Au début de l'épidémie Covid19, les asiatiques ont été pointés du doigt comme propagateurs de la maladie.

La gestion des épidémies en situation coloniale illustre bien le cas. Elle se manifeste son emprise sur les corps et sur l’espace. Les indigènes considérés comme des réservoirs de virus furent mis à l’écart par la création d’un habitat ségrégué et leurs corps livrés aux laboratoires comme matériels d’expérimentation pour la recherche de remèdes contre les maladies protéiformes des tropiques.

Démoustication des cases des indigènes © asnom

L’itinéraire des contagions Parallèle avec la deuxième moitié du 19e siècle

Les grandes routes économiques internationales, sillonnant la planète, ont toujours été les canaux par lesquelles les hommes ont fait transiter des biens et des idées mais aussi des germes et des vecteurs intermédiaires des maladies qui ont parfois ébranlé les sociétés en profondeurs.

Les contaminations de région à région sont en rapport direct avec les progrès des communications. Avant le XXe siècle, la lenteur des trajets était une défense relative contre l'invasion des germes. Aujourd'hui, la rapidité effrayante qui permet à l'homme de se transporter en quelques heures d'un point du globe à un autre constitue une menace permanente. Des auteurs comme Philippe Curtin, ont abordé la traite des Noirs comme un facteur d'introduction et de diffusion de nouvelles maladies entre l'Amérique et l'Afrique. Parmi elles, il y a la fièvre jaune (CURTIN,Phillip D. « The white man's grave : image and reality. 1780-1850 », London Institute of Commonwealth Studies, 1961, p. 94.) Quant au choléra, son origine asiatique est incontestable. Les caravanes venues du Maghreb l'introduisent dans la colonie avant de se diffuser dans tout l'ouest africain.

La deuxième moitié du XIXe siècle est caractérisée par la pression impérialiste en Sénégambie, doublée d’une aggravation des phénomènes épidémiologiques. On note en particulier au Sénégal, l’apparition de 28 épidémies, dont 12 de fièvre jaune, 2 de choléra, et 11 de variole. Cette recrudescence est en partie liée à la multiplication des mouvements humains occasionnés par la pénétration militaire et la déstructuration des sociétés face à un nouvel ordre politique et économique. Les différentes épidémies de ces dernières décennies posent la question des nécessaires transformations des systèmes de santé à l’échelle globale à travers les modes de régulation sociales, politiques et économiques écoresponsables.

Le contrôle des corps et de l’espace : les boucs émissaires et l’économie

Ainsi, l’extrême rigueur dans l’application des mesures sanitaires portait atteinte aux intérêts du commerce. Les représentants des Chambres de Commerce (constituées depuis 1869), ne manquaient pas de faire des pressions sur l’administration. Ceci se traduit au début de chaque épidémie par des atermoiements et des hésitations à donner l’alerte qui mettait en branle les inévitables mesures sanitaires, dont la plus redoutée est la quarantaine et les cordons sanitaires.

Le décret du 31 mars 1897, complété par celui du 20 juillet 1899 institue la vérification de l''état de santé à l'embarquement et au débarquement des personnes et prendre des mesures en cas d'épidémies. Les navires trafiquants étaient mis en quarantaine pour 3 ou 9 jours sous le régime de suspect et devaient subir la visite médicale des passagers et équipage, la désinfection des vêtements et objet de literies. Ce texte institue en même temps le régime du passeport sanitaire. Par ailleurs, dès qu'une région est déclarée infestée, toutes les autres sont interdites de communication avec elle y compris les territoires étrangers. Pour rendre ces mesures efficaces, il avait été créé des représentations sanitaires diplomatiques qui avaient pour mission de suivre la situation sanitaire de la colonie concernée.

Devant la difficulté à juguler les épidémies et face à la résistance obstinée des indigènes, la cassure entre les différents groupes sociaux se matérialise par un ensemble de théories médicales qui conduisent à la naissance de la notion de ‘’classes dangereuses ‘’ ou jugées comme telles. Les Indigènes, les Syriens et les Portugais dans une moindre mesure sont soumis à une surveillance stricte. Parmi les dispositifs de surveillance figurent les services d’hygiène, les structures médicales à travers les statistiques hospitalières, la police et un dispositif législatif et réglementaire rigoureux.
Les Syriens sont considérés comme des agents actifs de diffusion de la fièvre jaune. Leur surveillance dès lors, constitue un préalable dans la protection de la santé publique. Cette politique est matérialisée par décision du gouverneur général instituant la délivrance de carte d’identité aux colporteurs syriens. Cette décision obligea tous les colporteurs syriens à se présenter au commissariat de police ou chez l’administrateur de leur résidence où il leur sera délivré des cartes d’identité. Cette mesure d’identification est doublée d’un contrôle sévère des déplacements de ces derniers. En effet, avant de se déplacer, ces derniers devaient selon les termes du règlement, aviser le service de la police ou l’administrateur de leur date de départ et de leur destination. Leur carte d’identité était annotée en conséquence. Cependant, le commissaire constate que ces derniers ont l’habitude de changer très souvent de nom et de résidence et que l’obligation d’être munis et de faire viser leur carte constitue une grande gêne pour ces derniers. En raison de ce fait, il annonce sa volonté de tenir très rigoureusement à ce qu’ils soient tous en règle afin de pouvoir suivre leurs déplacements en dehors des villes.
Il ressort de l’analyse des dispositions prises à l’encontre des syriens, un constat qui ne transparaît pas à la lecture des informations fournies par les services de santé et de police de la colonie. Il s’agit des raisons d’ordre économiques. A la suite de la Première Guerre mondiale, la SDN place la Syrie et le Liban sous le régime du protectorat français et les citoyens de ces pays se voient accordés le statut de « protégés » français leur ouvrant ainsi les portes des colonies françaises. Le mode d’organisation et leur rapide intégration dans le réseau du commerce de la traite jusque-là sous le contrôle des maisons de commerce et des traitants français aux colonies, fait d’eux de redoutables concurrents. La crise économique du secteur des oléagineux qui représentent 90% des exportations du Sénégal et 60% de celles de l’AOF est renforcée par la spéculation internationale et la cavalerie des trusts étrangers tels qu’Unilever. Cette situation renforce le sentiment d’abandon des coloniaux et une stigmatisation de l’immigration et du statut des Libano-Syriens véhiculée par les chambres de commerce, l’Union Coloniale et des politiciens locaux : Il est question à Paris de limiter l’immigration des Syriens en AOF. C’est ainsi que partout dans les colonies françaises, des villes réservées aux Européens furent érigées sur les plateaux à l’ écart des villes indigènes érigées dans les bas-fonds et des zones non aedificandi établies entre les différentes villes. Au Sénégal, la Medina est érigées suite à l’épidémie de peste de 1914 et un ensemble de règlement d’urbanisme mis en place pour expulser les Léboues de la ville européenne. Devant la difficulté de juguler les épidémies, la ville de Dakar sera séparée de la colonie en 1924 par la création de la Circonscription administrative de Dakar, indépendante de la colonie du Sénégal et dotée de son propre service de santé. Celle-ci fut transformée en délégation de Dakar et dépendances en 1946 car le Gouverneur Général estimant la protection sanitaire de Dakar mal assurée.
Les différents textes organisant les services de Santé en AOF aboutirent à la conception d’un service de Santé comportant deux grandes divisions. Un service fixe des Territoires et un service mobile de prophylaxie à l’échelle de la fédération. Les indépendances mettent fin à l’organisation fédérale en dépit de l’évidence que les virus et les maladies ne connaissent pas les frontières. L’absence de dispositif régional de lutte contre les endémo-épidémies eu pour conséquence la résurgence de fléaux du passé.

Le traitement de l'information durant les épidémies

Au Sénégal, à l’occasion de chaque épidémie, l’administration, à défaut de pouvoir nier l’existence d’une épidémie, en minimise la gravité en lui donnant dans un premier temps un nom rassurant ou manipule les informations. Ainsi, dans le Moniteur du Sénégal, organe officiel d’information de la colonie on cesse systématiquement de publier la liste hebdomadaire des décès à l’occasion des grandes épidémies. Cette pratique est décriée à plusieurs reprises.
En juillet 1881, en pleine crise épidémique, alors que l’armée est engagée dans la conquête du Niger, elle perdait de jour en jour des bataillons à la suite d’une épidémie de fièvre jaune, le grand thème du Moniteur du Sénégal la marche des troupes vers l’Est. Aucune mention n’est faite de la situation sanitaire.
La politique du silence pratiquée par l’administration du Sénégal n’a pas été suivie en métropole. En effet, à côté des journaux proches des milieux économiques qui avaient intérêt à maintenir la réputation d’un Sénégal salubre, d’autres journaux eux, à chaque épidémie, alimentaient la controverse autour des chiffres et la nature des épidémies. Dans Le Républicain Lorrain du 7 octobre 1927, on lit ceci : Au Sénégal règne actuellement une sécheresse inconnue à ce jour, et la fièvre jaune fait journellement des centaines de morts. Six mois après le premier cas de fièvre jaune au Sénégal, le Journal Le Petit Var, publiait, le 18 octobre 1927, l’information suivante :

Malgré le silence officiel, on commence à connaître la vérité. Et la vérité est infiniment triste. La fièvre jaune fait au Sénégal de nombreuses victimes. Cette épidémie niée par l’administration étend ses ravages et ce sont les pauvres bougres qui sont les plus atteints.

Malgré les nouvelles inquiétantes rapportées par la presse et les voyageurs arrivant du Sénégal, Blaise Diagne, député du Sénégal, déclare dans une interview accordée au journal Le Matin :

Il n'y a pas d'épidémie ; mais il y a depuis 1926, une poussée endémique de fièvre jaune. Les quartiers indigènes sévèrement surveillés et où les habitants ont dû se plier aux prescriptions du service d'hygiène, ont échappé à la maladie. Les Européens, par contre, vivant dans des intérieurs souvent défectueux mais inviolables, ont été beaucoup plus touché et je puis dire sans crainte d'être contredit que tous les cas de fièvre jaune constatés l'ont été dans des quartiers européens de Dakar (ANS, H12 (1) : Reproduction de l'article dans ''Le Petit Marocain''.)

Les services du ministère des Colonies à Paris sont du même avis. Cette position officielle des services du ministère peut être interprétée comme une volonté de banalisation de la fièvre jaune en la faisant entrer dans la catégorie des maladies endémiques. Cette position était également défendue par Camille Guy, ancien gouverneur de la colonie de Guinée française qui estimait

Qu'il n'y avait pas de fièvre jaune en A.O.F. que seuls les semeurs de fausses nouvelles, les pêcheurs en eau trouble et les esprits agités avaient prononcé le gros mot d'épidémie et semé méthodiquement la panique (Le Petit Marseillais, 13 septembre 1927).

Choquées par les déclarations du parlementaire sénégalais, les populations européennes protestent à travers la presse et jugent les déclarations de Blaise Diagne indignes. Les déclarations du député peuvent être interprétées de deux manières : la première est qu’elles sont politiquement motivées. En effet, les populations indigènes devenues un électorat important, l’exploitation des frustrations découlant de la « dictature sanitaire » était un argument politique de taille. En second lieu, Blaise Diagne a retenu la leçon de l’épidémie de peste de 1914 et l’exploitation politique qui en avait été faite. Il inscrit sa réaction dans la perspective des élections législatives de 1928. Il explique les raisons de la sélectivité de maladie aux seuls Européens par le fait que ces derniers ne soient pas inquiétés par les lois très sévères de l’hygiène publique alors que les indigènes eux, sévèrement surveillés sont restés indemnes. D’autre part, il essaie de protéger l’Administration des accusations de négligence et d’incurie ayant conduits à l’épidémie.
La presse a joué un rôle important dans la gestion de l’épidémie de 1927. En portant au grand jour la situation réelle ou supposée sur la maladie au Sénégal, elle a contraint l’Administration à réagir et à prendre des mesures qui se sont par la suite révélées efficaces. Le gouverneur Carde fut contraint de rejoindre son poste à Dakar et le ministère des Colonies commit par la même occasion une mission chargée de combattre activement l’épidémie. Celle-ci fut dirigée par M. Pettit, professeur à l’Institut Pasteur, membre de l’Académie de Médecine. Elle avait pour objectif :
- l’organisation de la prophylaxie contre la maladie ;

- des recherches scientifiques portant d'abord sur le choix d'un animal réceptif sensible à la piqûre du stegomya et ensuite vérifier les causes du caractère ''réfractaire'' des nègres à la maladie. (Il est intéressant de noter qu'au début de l'épidémie Covid19, la question de l'absence de cas en Afrique alors que l'épidémie prenait de l'ampleur en Chine et en Europe, des théories sur une supposée immunité des Noirs a été avancée dans les milieux populaires.)

Conclusion

L’épidémie actuelle du COVID19 révèle les archétypes ancestraux consubstantiels des épidémies depuis le début de l’humanité. De la peur de la mort à la tentation de trouver des boucs émissaires responsables de la diffusion et de l’entretien du mal, les différentes informations véhiculées par les réseaux sociaux et la presse en ligne se disputent les théories du complot, les stratégies de guerres commerciales aux idées les plus loufoques. Quelle que soit la tournure de l’épidémie, le monde retiendra définitivement que le modèle actuel de déséquilibre des écosystèmes responsables des changements climatiques et de gestion des solidarités par des modèles économiques sauvages produiront inéluctablement d’autres pandémies mettant à nu les vulnérabilités désormais mondialisées. Ce qui fait de la crise actuelle une formidable opportunité pour réformer la politique sanitaire internationale.

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Epidemics and Societies: Coronavirus and Lessons from the Past in Senegal

Travelling the Silk Roads, the corona virus puts the world under siege. This situation, however spectacular it may be, is not a first in the history of humanity. The recent history of epidemics in Africa is an excellent means of analysis and comparison. It reveals invariants and major trends in the management of epidemics by all human societies, whatever their degree of material organization. Epidemics are ultimately an excellent spotlight on societies and social groups. They reveal levels of solidarity, of caring for widows, orphans and the poor, but also of managing fear and death. Finally, illness is not only a matter for doctors and rulers. Illness, an individual experience par excellence, is inevitably the arena for the exercise, or even confrontation, of moral or religious values, popular myths and scientific theories. This is all the more true since illness is first and foremost a social construction before being a biological reality, hence the interest of the human and social sciences in addressing the new challenge of the Corona.

Ninety-two years ago, from 23 to 30 April 1928, the Inter-Colonial Conference on Yellow Fever was held in Dakar. Another modern-day terror transmitted to man by a virus. Convened on the initiative of the governor general of the AOF, Jules Carde, with the consent of the Minister of Colonies, Léon Perrier, especially with the excitement aroused in the «metropolis» by the epidemics of 1900 and 1927. In his inaugural speech at the conference, J. Carde recalled that while American, English and French doctors lived side by side during the Great War and got to know each other, in Africa the battle continued and here it was necessary to create a new united front to fight against the common enemy which was typhus amaril. Today, the world is similarly facing a global health challenge caused by another virus.

The COVID19 epidemic crisis comes at a particular moment in the history of the world marked by the globalization of the economy but also by a globalization of pathologies that were once confined to specific geographical areas. It highlights the challenge of international health solidarity and the role and place of the human and social sciences in the management of health events. Firstly, pathological phenomena are a reliable reflection of the social, economic and cultural state of a region or an era. In the first place, the pathological phenomena are a reliable reflection of the social, economic and cultural state of a region or a period. Indeed, the epidemic acts as a spotlight on society. It reveals individuals and groups in the face of the widespread danger of death and makes it possible to understand, among other things, the class and power relations between different social groups, their degree of solidarity, the social management of death, etc.

Thus, man’s view of health, illness and death is rich in lessons about the state of the society in which he lives. In the same vein, Jaques Revel writes:

Illness is almost always an element of social disorganization and reorganization; as such, it often makes more visible the essential articulations of the group, the lines of force and tensions that run through it. The morbid event may therefore be the privileged place from which to better observe the real meaning of administrative mechanisms or religious practices, the relationships between powers, or the image that a society has of itself. Social exclusion in times of epidemic, which can range from suspicion to massacre, and can, according to known cases, affect the poor or the notables, the Jews or the doctors. Jacques REVEL, Jean Pierre Peter: ''Le corps : l'homme malade et son histoire'', Jacques Le Goff, Pierre Nora (eds): Faire de l'histoire : nouveaux objets, Vol. 3, p. 231. In the early days of the Covid epidemic19 , Asians were singled out as propagators of the disease

The management of epidemics in a colonial situation is a good example. It manifests its hold on bodies and space. The indigenous people, considered as virus reservoirs, were isolated by the creation of a segregated habitat and their bodies were delivered to laboratories as experimental material for the search for cures for the protean diseases of the tropics.

The Contagion Route Parallel to the second half of the 19th century

The great international economic routes criss-crossing the planet have always been the channels through which people have transported goods and ideas, but also germs and intermediate vectors of the diseases that have sometimes shaken societies to their core.

Contamination from region to region is directly related to advances in communications. Before the 20th century, slow travel was a relative defence against the invasion of germs. Today, the frightening speed with which man can travel from one part of the globe to another in a matter of hours is a permanent threat. Authors such as Philippe Curtin, for example, have approached the slave trade as a factor in the introduction and spread of new diseases between America and Africa. Among them is yellow fever (CURTIN,Phillip D. «The white man's grave: image and reality. 1780-1850», London Institute of Commonwealth Studies, 1961, p. 94). As for cholera, its Asian origin is indisputable. Caravans from the Maghreb introduced it into the colony before spreading throughout West Africa.

The second half of the nineteenth century was characterized by imperialist pressure in Senegambia, coupled with a worsening of epidemiological phenomena. In Senegal, 28 epidemics appeared, including 12 of yellow fever, 2 of cholera, and 11 of smallpox. This resurgence is partly linked to the increase in human movements caused by military penetration and the destructuring of societies in the face of a new political and economic order. The various epidemics of recent decades raise the question of the necessary transformations of health systems on a global scale through eco-responsible social, political and economic regulation methods.

Controlling bodies and space: scapegoats and the economy

Thus, the extreme rigour in the application of sanitary measures was detrimental to the interests of trade. The representatives of the Chambers of Commerce (formed since 1869), did not fail to put pressure on the administration. At the beginning of each epidemic, this resulted in procrastination and reluctance to give the alarm that set in motion the inevitable sanitary measures, the most feared of which were quarantine and sanitary cordons.
The decree of 31 March 1897, supplemented by the decree of 20 July 1899, instituted the verification of the state of health of persons embarking and disembarking and the taking of measures in the event of epidemics. Trafficking ships were quarantined for 3 or 9 days under the suspect regime and had to undergo medical examination of passengers and crew, disinfection of clothing and bedding. At the same time, the law also introduced the health passport system. Moreover, as soon as a region is declared infested, all other regions are prohibited from communicating with it, including foreign territories. In order to make these measures effective, diplomatic health representations had been set up to monitor the health situation in the colony concerned.
Faced with the difficulty of curbing epidemics and the obstinate resistance of the natives, the rift between the different social groups materialized in a set of medical theories which led to the birth of the notion of «dangerous classes» or classes considered as such. To a lesser extent, the indigenous, Syrian and Portuguese people are subject to strict surveillance. Among the monitoring mechanisms are the hygiene services, the medical structures through hospital statistics, the police and a rigorous legislative and regulatory framework.
Syrians are considered to be active agents in the spread of yellow fever. Their surveillance is therefore a prerequisite for the protection of public health. This policy is embodied in a decision of the Governor General instituting the issuance of identity cards to Syrian peddlers. This decision obliges all Syrian peddlers to report to the police station or the administrator of their residence, where they will be issued with identity cards. This identification measure is coupled with a strict control of their movements. Under the terms of the regulations, before travelling, they were required to notify the police station or the administrator of their departure date and destination. Their identity card was annotated accordingly. However, the Commissioner notes that these individuals are accustomed to changing their names and residences very often and that the requirement to carry and have their cards stamped is a great inconvenience for them. For this reason, he announces his intention to insist very rigorously that they should all be in order to be able to keep track of their movements outside the cities.
An analysis of the measures taken against Syrians shows that this is not apparent from the information provided by the colony’s health and police services. The reasons for this are of an economic nature. Following the First World War, the League of Nations placed Syria and Lebanon under the French protectorate and the citizens of these countries were granted the status of French «protégés», thus opening the doors to the French colonies. The mode of organization and their rapid integration into the network of the slave trade hitherto under the control of French trading houses and traitors to the colonies made them formidable competitors. The economic crisis in the oilseed sector, which accounts for 90% of Senegal’s exports and 60% of AOF’s exports, is reinforced by international speculation and the cavalry of foreign trusts such as Unilever. This situation reinforces the feeling of abandonment of the colonials and a stigmatization of immigration and the status of Lebanese-Syrians conveyed by the chambers of commerce, the Colonial Union and local politicians: There is talk in Paris of limiting the immigration of Syrians to AOF. Thus, everywhere in the French colonies, cities reserved for Europeans were erected on the plateaus away from the indigenous cities erected in the lowlands and the non aedificandi zones established between the different cities. In Senegal, the Medina was erected following the plague epidemic of 1914 and a set of urban planning regulations was put in place to expel the Leboues from the European city. Faced with the difficulty of curbing epidemics, the city of Dakar was separated from the colony in 1924 by the creation of the Administrative District of Dakar, independent of the colony of Senegal and with its own health service. The latter was transformed into the Delegation of Dakar and Dependencies in 1946 because the Governor General considered that the health protection of Dakar was poorly ensured.

The various texts organizing the health services in the AOF led to the conception of a health service comprising two main divisions. A fixed territorial service and a mobile prophylaxis service at the level of the federation. Independence put an end to the federal organisation despite the fact that viruses and diseases know no borders. The absence of a regional mechanism to combat endemoepidemics resulted in the resurgence of scourges from the past.

Public Information during epidemics outbreak

In Senegal, on the occasion of each epidemic, the administration, although it cannot deny the existence of an epidemic, minimizes its seriousness by first giving it a reassuring name or manipulates the information. Thus, in the Moniteur du Sénégal, the colony's official information organ, the weekly list of deaths during major epidemics is systematically ceased to be published. This practice is repeatedly criticized.

In July 1881, in the midst of an epidemic crisis, while the army was engaged in the conquest of Niger, it was losing battalions from day to day following an epidemic of yellow fever, the main theme of the Moniteur du Sénégal the march of troops to the East. No mention is made of the sanitary situation.
The policy of silence practised by the Senegalese administration was not followed in metropolitan France. In fact, in addition to newspapers close to economic circles, which had an interest in maintaining the reputation of a healthy Senegal, other newspapers, with each epidemic, fuelled the controversy over the figures and nature of the epidemics. In Le Républicain Lorrain of October 7, 1927, we read the following: Senegal is currently experiencing a drought unknown to this day, and yellow fever kills hundreds of people every day. Six months after the first case of yellow fever in Senegal, the newspaper Le Petit Var, published the following information on October 18, 1927:
Despite official silence, the truth is beginning to come out. And the truth is infinitely sad. Yellow fever is claiming many victims in Senegal. This epidemic denied by the administration spreads its ravages and it is the poor buggers who are the most affected.
Despite the disturbing news reported by the press and travellers arriving from Senegal, Blaise Diagne, MP from Senegal, said in an interview with the newspaper Le Matin :
There is no epidemic; but there has been an endemic outbreak of yellow fever since 1926. The indigenous neighbourhoods, which are under strict surveillance and where the inhabitants have had to comply with the prescriptions of the hygiene service, have escaped the disease. Europeans, on the other hand, living in often defective but inviolable interiors, have been much more affected and I can say without fear of contradiction that all the cases of yellow fever observed have been in European districts of Dakar (ANS, H12 (1): Reproduction of the article in ''Le Petit Marocain''.).
The services of the Ministry of Colonies in Paris are of the same opinion. This official position of the Ministry’s services can be interpreted as a will to trivialize yellow fever by making it fall into the category of endemic diseases. This position was also defended by Camille Guy, former governor of the colony of French Guinea, who considered that
That there was no yellow fever in A.O.F. that only the sowers of false news, fishermen in troubled waters and restless spirits had uttered the big word of epidemic and methodically sowed panic (Le Petit Marseillais, September 13, 1927).
Shocked by the Senegalese parliamentarian’s statements, the people of Europe protested through the press and considered Blaise Diagne’s statements unworthy. The MP’s statements can be interpreted in two ways: the first is that they are politically motivated. Indeed, as the indigenous populations had become an important electorate, the exploitation of the frustrations resulting from the «health dictatorship» was a strong political argument. Secondly, Blaise Diagne learned the lesson of the plague epidemic of 1914 and the political exploitation that had been made of it. He set his reaction in the perspective of the 1928 legislative elections. He explained the reasons for the selectivity of the disease to Europeans alone by the fact that they were not worried by the very strict laws of public hygiene, whereas the natives, who were under strict surveillance, remained unharmed. On the other hand, it tries to protect the Administration from accusations of negligence and carelessness that led to the epidemic.

The press played an important role in the management of the 1927 epidemic. By exposing the real or supposed situation of the disease in Senegal, it forced the Administration to react and take measures that later proved effective. Governor Carde was forced to return to his post in Dakar, and the Ministry of Colonies at the same time committed a mission to actively combat the epidemic. This mission was led by Mr. Pettit, a professor at the Pasteur Institute and a member of the Academy of Medicine. Its objective was to

- The organization of prophylaxis against the disease;

- scientific research firstly on the choice of a receptive animal sensitive to the bite of stegomya and then to verify the causes of the «refractory» character of negroes to the disease. (It is interesting to note that at the beginning of the Covid epidemic19 , the question of the absence of cases in Africa, while the epidemic was gaining momentum in China and Europe, theories on a supposed immunity of Blacks were put forward in popular circles).

Conclusion

The current COVID epidemic19 reveals the consubstantial ancestral archetypes of epidemics since the beginning of mankind. From the fear of death to the temptation to find scapegoats responsible for spreading and maintaining the evil, the various information conveyed by social networks and the online press compete with each other, from conspiracy theories and commercial warfare strategies to the most zany ideas. No matter how the epidemic turns out, the world will definitely remember that the current model of imbalanced ecosystems responsible for climate change and the management of solidarity through wild economic models will inevitably produce other pandemics that will expose the now globalized vulnerabilities. This makes the current crisis a tremendous opportunity to reform international health policy.