Texte d'Adama Aly PAM, docteur en histoire et chef archiviste de l'UNESCO (see English version below).
Empruntant les routes de la soie, le corona
virus met le monde en état de siège. Cette situation pour spectaculaire qu'elle
soit n'est pas une première dans l'histoire de l'humanité. L'histoire récente
des épidémies en Afrique est un excellent moyen d'analyse et de comparaison.
Elle révèle des invariants et des tendances lourdes dans la gestion des
épidémies par toutes les sociétés humaines quelle que soit leur degré
d'organisation matérielle. Les épidémies sont en définitive un excellent coup
de projecteur sur les sociétés et les groupes sociaux. Elles révèlent les niveaux
de solidarité, de la prise en charge des veuves, des orphelins et des pauvres
mais également de la gestion de la peur et de la mort. Finalement, la maladie
n'est pas seulement une affaire des médecins et des gouvernants. La maladie, expérience individuelle par excellence, est inévitablement
le terrain d'exercice, voire d'affrontements, de valeurs morales ou
religieuses, de mythes populaires, de théories scientifiques. Cela est d'autant
plus vrai que la maladie est avant tout une construction sociale avant d'être
une réalité biologique d'où l'intérêt des sciences humaines et sociales pour
adresser le nouveau défi du Corona.
Il y a 92 ans, du 23 au 30 avril 1928, se tenait à Dakar, la
Conférence inter-coloniale sur la fièvre jaune. Une autre terreur des temps
modernes transmise à l'homme par un virus.
Convoquée sur l'initiative du gouverneur général de l'AOF, Jules Carde,
avec l'assentiment du ministre des Colonies, Léon Perrier surtout avec l'émoi
suscité en « métropole » par les épidémies de 1900 et de 1927. Dans
son discours inaugural de la conférence, J. Carde rappelle que si les médecins
américains, anglais et français ont vécu côte à côte pendant la Grande Guerre
et qu'ils ont appris à se connaître, en Afrique, la bataille continue et il
convient, ici de réaliser un nouveau front unique pour lutter contre l'ennemi
commun qui est le typhus amaril. Aujourd'hui, Le monde fait face de la même
manière à un défi sanitaire global causé par un autre virus.
Aussi le regard que l’homme porte sur la santé, la maladie et la mort,
est riche d’enseignements sur l’état de la société dans laquelle il vit.
Abondant dans le même sens, Jaques Revel écrit :
La maladie est
presque toujours un élément de désorganisation et de réorganisation sociale; à
ce titre elle rend souvent plus visible les articulations essentielles du
groupe, les lignes de force et les tensions qui le traversent. L'événement
morbide peut donc être le lieu privilégié d'où mieux observer la signification
réelle de mécanismes administratifs ou de pratiques religieuses, les rapports
entre les pouvoirs, ou l'image qu'une société à d'elle-même. L'exclusion
sociale en temps d'épidémie, qui peut aller du soupçon au massacre et se porter
selon les cas connus sur les pauvres ou
les notables, les juifs ou les médecins. Jacques REVEL, Jean Pierre Peter : ''Le corps : l'homme
malade et son histoire'', Jacques Le Goff, Pierre Nora (éds) : Faire de l'histoire : nouveaux objets,
Vol. 3, p. 231. Au début de l'épidémie
Covid19, les asiatiques ont été pointés du doigt comme propagateurs de la
maladie.
La gestion des épidémies en situation coloniale illustre bien le cas.
Elle se manifeste son emprise sur les corps et sur l’espace. Les indigènes
considérés comme des réservoirs de virus furent mis à l’écart par la création
d’un habitat ségrégué et leurs corps livrés aux laboratoires comme matériels
d’expérimentation pour la recherche de remèdes contre les maladies protéiformes
des tropiques.
Démoustication des cases des indigènes © asnom
L’itinéraire des
contagions Parallèle avec la deuxième
moitié du 19e siècle
Les grandes routes économiques internationales, sillonnant
la planète, ont toujours été les canaux par lesquelles les hommes ont fait
transiter des biens et des idées mais aussi des germes et des vecteurs
intermédiaires des maladies qui ont parfois ébranlé les sociétés en
profondeurs.
Les contaminations de
région à région sont en rapport direct avec les progrès des communications.
Avant le XXe siècle, la lenteur des trajets était une défense
relative contre l'invasion des germes. Aujourd'hui, la rapidité effrayante qui
permet à l'homme de se transporter en quelques heures d'un point du globe à un
autre constitue une menace permanente. Des
auteurs comme Philippe Curtin, ont abordé la traite des Noirs comme un facteur
d'introduction et de diffusion de nouvelles maladies entre l'Amérique et
l'Afrique. Parmi elles, il y a la fièvre jaune (CURTIN,Phillip D. « The white man's grave : image and reality. 1780-1850 »,
London Institute of Commonwealth Studies, 1961,
p. 94.) Quant au choléra, son origine asiatique est incontestable. Les caravanes
venues du Maghreb l'introduisent dans la colonie avant de se diffuser dans tout
l'ouest africain.
La
deuxième moitié du XIXe siècle est caractérisée
par la pression impérialiste en Sénégambie, doublée d’une aggravation des
phénomènes épidémiologiques. On note en particulier au Sénégal, l’apparition de
28 épidémies, dont 12 de fièvre jaune, 2 de choléra, et 11 de variole. Cette recrudescence est en
partie liée à la multiplication des mouvements humains occasionnés par la
pénétration militaire et la déstructuration des sociétés face à un nouvel ordre
politique et économique. Les différentes épidémies de ces dernières décennies
posent la question des nécessaires transformations des systèmes de santé à
l’échelle globale à travers les modes de régulation sociales, politiques et
économiques écoresponsables.
Le contrôle des
corps et de l’espace : les boucs émissaires et l’économie
Ainsi, l’extrême rigueur dans l’application des mesures sanitaires
portait atteinte aux intérêts du commerce. Les représentants des Chambres de
Commerce (constituées depuis 1869), ne manquaient pas de faire des pressions
sur l’administration. Ceci se traduit au début de chaque épidémie par des
atermoiements et des hésitations à donner l’alerte qui mettait en branle les
inévitables mesures sanitaires, dont la plus redoutée est la quarantaine et les
cordons sanitaires.
Le décret du 31 mars 1897,
complété par celui du 20 juillet 1899 institue la vérification de l''état de
santé à l'embarquement et au débarquement des personnes et prendre des mesures
en cas d'épidémies. Les navires trafiquants étaient mis en quarantaine pour 3
ou 9 jours sous le régime de suspect et
devaient subir la visite médicale des passagers et équipage, la désinfection
des vêtements et objet de literies. Ce texte institue en même temps le régime
du passeport sanitaire. Par ailleurs, dès qu'une région
est déclarée infestée, toutes les autres sont interdites de communication avec
elle y compris les territoires étrangers. Pour rendre ces mesures efficaces, il
avait été créé des représentations sanitaires diplomatiques qui avaient pour mission
de suivre la situation sanitaire de la colonie concernée.
Devant
la difficulté à juguler les épidémies et face à la résistance obstinée des
indigènes, la cassure entre les différents groupes sociaux se matérialise par
un ensemble de théories médicales qui conduisent à la naissance de la notion de
‘’classes dangereuses ‘’ ou jugées comme telles. Les Indigènes, les
Syriens et les Portugais dans une moindre mesure sont soumis à une surveillance
stricte. Parmi les dispositifs de surveillance figurent les services d’hygiène,
les structures médicales à travers les statistiques hospitalières, la police et
un dispositif législatif et réglementaire rigoureux.
Les Syriens sont
considérés comme des agents actifs de diffusion de la fièvre jaune. Leur
surveillance dès lors, constitue un préalable dans la protection de la santé
publique. Cette politique est matérialisée par décision du gouverneur général
instituant la délivrance de carte d’identité aux colporteurs syriens. Cette
décision obligea tous les colporteurs
syriens à se présenter au commissariat
de police ou chez l’administrateur de
leur résidence où il leur sera délivré des cartes d’identité. Cette mesure
d’identification est doublée d’un contrôle sévère des déplacements de ces
derniers. En effet, avant de se déplacer, ces derniers devaient selon les
termes du règlement, aviser le service de la police ou l’administrateur de leur
date de départ et de leur destination. Leur carte d’identité était annotée en
conséquence. Cependant, le commissaire constate que ces derniers ont l’habitude
de changer très souvent de nom et de résidence et que l’obligation d’être munis
et de faire viser leur carte constitue une grande gêne pour ces derniers. En
raison de ce fait, il annonce sa volonté de tenir très rigoureusement à ce
qu’ils soient tous en règle afin de pouvoir suivre leurs déplacements en dehors
des villes.
Il ressort de l’analyse des dispositions prises à l’encontre des
syriens, un constat qui ne transparaît pas à la lecture des informations
fournies par les services de santé et de police de la colonie. Il s’agit des
raisons d’ordre économiques. A la suite de la Première Guerre mondiale, la SDN
place la Syrie et le Liban sous le régime du protectorat français et les
citoyens de ces pays se voient accordés le statut de « protégés »
français leur ouvrant ainsi les portes des colonies françaises. Le mode
d’organisation et leur rapide
intégration dans le réseau du commerce de la traite jusque-là sous le contrôle
des maisons de commerce et des traitants français aux colonies, fait d’eux de
redoutables concurrents. La crise économique du secteur des oléagineux qui
représentent 90% des exportations du Sénégal et 60% de celles de l’AOF est
renforcée par la spéculation internationale et la cavalerie des trusts étrangers
tels qu’Unilever. Cette situation renforce le sentiment d’abandon des coloniaux
et une stigmatisation de l’immigration et du statut des Libano-Syriens
véhiculée par les chambres de commerce, l’Union Coloniale et des politiciens
locaux : Il est question à Paris de limiter l’immigration des Syriens en
AOF. C’est ainsi que partout dans les
colonies françaises, des villes réservées aux Européens furent érigées sur
les plateaux à l’ écart des villes indigènes érigées dans les bas-fonds et des
zones non aedificandi établies entre les différentes villes. Au Sénégal, la
Medina est érigées suite à l’épidémie de peste de 1914 et un ensemble de
règlement d’urbanisme mis en place pour expulser les Léboues de la ville
européenne. Devant la difficulté de juguler les épidémies, la ville de Dakar
sera séparée de la colonie en 1924 par la création de la Circonscription
administrative de Dakar, indépendante de la colonie du Sénégal et dotée de son
propre service de santé. Celle-ci fut transformée en délégation de Dakar et dépendances
en 1946 car le Gouverneur Général estimant la protection sanitaire de Dakar mal
assurée.
Les différents textes organisant les services de Santé en AOF aboutirent
à la conception d’un service de Santé comportant deux grandes divisions. Un
service fixe des Territoires et un service mobile de prophylaxie à l’échelle de
la fédération. Les indépendances mettent fin à l’organisation fédérale en dépit
de l’évidence que les virus et les maladies ne connaissent pas les frontières.
L’absence de dispositif régional de lutte contre les endémo-épidémies eu pour
conséquence la résurgence de fléaux du passé.
Le traitement de l'information durant les épidémies
Au Sénégal, à
l’occasion de chaque épidémie, l’administration, à défaut de pouvoir nier
l’existence d’une épidémie, en minimise la gravité en lui donnant dans un
premier temps un nom rassurant ou manipule les informations. Ainsi, dans le
Moniteur du Sénégal, organe officiel d’information de la colonie on cesse
systématiquement de publier la liste hebdomadaire des décès à l’occasion des
grandes épidémies. Cette pratique est
décriée à plusieurs reprises.
En juillet 1881, en pleine crise épidémique,
alors que l’armée est engagée dans la conquête du Niger, elle perdait de jour
en jour des bataillons à la suite d’une épidémie de fièvre jaune, le grand
thème du Moniteur du Sénégal la
marche des troupes vers l’Est. Aucune mention n’est faite de la situation sanitaire.
La politique du
silence pratiquée par l’administration du Sénégal n’a pas été suivie en
métropole. En effet, à côté des journaux proches des milieux économiques qui
avaient intérêt à maintenir la réputation d’un Sénégal salubre, d’autres
journaux eux, à chaque épidémie, alimentaient la controverse autour des
chiffres et la nature des épidémies. Dans Le
Républicain Lorrain du 7 octobre 1927, on lit ceci : Au Sénégal règne actuellement une sécheresse inconnue à ce jour, et la
fièvre jaune fait journellement des centaines de morts. Six mois après le
premier cas de fièvre jaune au Sénégal, le Journal Le Petit Var, publiait, le 18 octobre 1927, l’information suivante
:
Malgré le silence
officiel, on commence à connaître la vérité. Et la vérité est infiniment
triste. La fièvre jaune fait au Sénégal de nombreuses victimes. Cette épidémie
niée par l’administration étend ses ravages et ce sont les pauvres bougres qui
sont les plus atteints.
Malgré les nouvelles inquiétantes rapportées par la presse et les voyageurs
arrivant du Sénégal, Blaise Diagne, député du Sénégal, déclare dans une
interview accordée au journal Le Matin
:
Il n'y a pas
d'épidémie ; mais il y a depuis 1926, une poussée endémique de fièvre jaune.
Les quartiers indigènes sévèrement surveillés et où les habitants ont dû se
plier aux prescriptions du service d'hygiène, ont échappé à la maladie. Les
Européens, par contre, vivant dans des intérieurs souvent défectueux mais
inviolables, ont été beaucoup plus touché et je puis dire sans crainte d'être
contredit que tous les cas de fièvre
jaune constatés l'ont été dans des quartiers européens de Dakar (ANS, H12 (1)
: Reproduction de l'article dans ''Le Petit Marocain''.)
Les services du
ministère des Colonies à Paris sont du même avis. Cette position officielle des
services du ministère peut être interprétée comme une volonté de banalisation
de la fièvre jaune en la faisant entrer dans la catégorie des maladies
endémiques. Cette position était également défendue par Camille Guy, ancien gouverneur
de la colonie de Guinée française qui estimait
Qu'il n'y
avait pas de fièvre jaune en A.O.F. que seuls les semeurs de fausses nouvelles,
les pêcheurs en eau trouble et les esprits agités avaient prononcé le gros mot
d'épidémie et semé méthodiquement la panique (Le Petit Marseillais, 13
septembre 1927).
Choquées par les
déclarations du parlementaire sénégalais, les populations européennes
protestent à travers la presse et jugent les déclarations de Blaise Diagne
indignes. Les déclarations du député peuvent être interprétées de deux
manières : la première est qu’elles sont politiquement motivées. En effet, les populations indigènes devenues
un électorat important, l’exploitation des frustrations découlant de la
« dictature sanitaire » était un argument politique de taille. En
second lieu, Blaise Diagne a retenu la leçon de l’épidémie de peste de 1914 et
l’exploitation politique qui en avait été faite. Il inscrit sa réaction dans la
perspective des élections législatives de 1928. Il explique les raisons de la
sélectivité de maladie aux seuls Européens par le fait que ces derniers ne
soient pas inquiétés par les lois très sévères de l’hygiène publique alors que
les indigènes eux, sévèrement surveillés sont restés indemnes. D’autre part, il
essaie de protéger l’Administration des accusations de négligence et d’incurie
ayant conduits à l’épidémie.
La presse a joué
un rôle important dans la gestion de l’épidémie de 1927. En portant au grand
jour la situation réelle ou supposée sur la maladie au Sénégal, elle a
contraint l’Administration à réagir et à prendre des mesures qui se sont par la
suite révélées efficaces. Le gouverneur Carde fut contraint de rejoindre son
poste à Dakar et le ministère des Colonies commit par la même occasion une
mission chargée de combattre activement l’épidémie. Celle-ci fut dirigée
par M. Pettit, professeur à l’Institut
Pasteur, membre de l’Académie de Médecine. Elle avait pour objectif :
- l’organisation de la prophylaxie contre la maladie ;
- des recherches scientifiques portant d'abord sur le choix d'un animal
réceptif sensible à la piqûre du stegomya et ensuite vérifier les causes du
caractère ''réfractaire'' des nègres à la maladie. (Il est intéressant de noter qu'au début de l'épidémie Covid19,
la question de l'absence de cas en Afrique alors que l'épidémie prenait de
l'ampleur en Chine et en Europe, des théories sur une supposée immunité des
Noirs a été avancée dans les milieux populaires.)
L’épidémie actuelle du COVID19 révèle les archétypes ancestraux
consubstantiels des épidémies depuis le début de l’humanité. De la peur de la
mort à la tentation de trouver des boucs émissaires responsables de la
diffusion et de l’entretien du mal, les différentes informations véhiculées par
les réseaux sociaux et la presse en ligne se disputent les théories du complot,
les stratégies de guerres commerciales aux idées les plus loufoques. Quelle que
soit la tournure de l’épidémie, le monde retiendra définitivement que le modèle
actuel de déséquilibre des écosystèmes responsables des changements climatiques
et de gestion des solidarités par des modèles économiques sauvages produiront
inéluctablement d’autres pandémies mettant à nu les vulnérabilités désormais mondialisées.
Ce qui fait de la crise actuelle une formidable opportunité pour réformer la
politique sanitaire internationale.
Epidemics and Societies: Coronavirus and Lessons from the Past in Senegal
Travelling the Silk
Roads, the corona virus puts the world under siege. This situation, however
spectacular it may be, is not a first in the history of humanity. The recent
history of epidemics in Africa is an excellent means of analysis and
comparison. It reveals invariants and major trends in the management of epidemics
by all human societies, whatever their degree of material organization.
Epidemics are ultimately an excellent spotlight on societies and social groups.
They reveal levels of solidarity, of caring for widows, orphans and the poor,
but also of managing fear and death. Finally, illness is not only a matter for
doctors and rulers. Illness, an individual experience par excellence, is
inevitably the arena for the exercise, or even confrontation, of moral or
religious values, popular myths and scientific theories. This is all the more
true since illness is first and foremost a social construction before being a
biological reality, hence the interest of the human and social sciences in
addressing the new challenge of the Corona.
Ninety-two years ago, from 23 to 30 April 1928, the Inter-Colonial
Conference on Yellow Fever was held in Dakar. Another modern-day terror
transmitted to man by a virus. Convened on the initiative of the governor
general of the AOF, Jules Carde, with the consent of the Minister of Colonies,
Léon Perrier, especially with the excitement aroused in the
«metropolis» by the epidemics of 1900 and 1927. In his inaugural
speech at the conference, J. Carde recalled that while American, English and
French doctors lived side by side during the Great War and got to know each
other, in Africa the battle continued and here it was necessary to create a new
united front to fight against the common enemy which was typhus amaril. Today,
the world is similarly facing a global health challenge caused by another
virus.
The COVID19 epidemic crisis comes at a particular moment in the history
of the world marked by the globalization of the economy but also by a
globalization of pathologies that were once confined to specific geographical
areas. It highlights the challenge of international health
solidarity and the role and place of the human and social sciences in the
management of health events. Firstly, pathological phenomena are a reliable
reflection of the social, economic and cultural state of a region or an era. In
the first place, the pathological phenomena are a reliable reflection of the
social, economic and cultural state of a region or a period. Indeed, the
epidemic acts as a spotlight on society. It reveals individuals and groups in
the face of the widespread danger of death and makes it possible to understand,
among other things, the class and power relations between different social
groups, their degree of solidarity, the social management of death, etc.
Thus, man’s view of
health, illness and death is rich in lessons about the state of the society in
which he lives. In the same vein, Jaques Revel writes:
Illness is almost always an element of social disorganization and
reorganization; as such, it often makes more visible the essential
articulations of the group, the lines of force and tensions that run through
it. The morbid event may therefore be the privileged place from which to better
observe the real meaning of administrative mechanisms or religious practices,
the relationships between powers, or the image that a society has of itself.
Social exclusion in times of epidemic, which can range from suspicion to
massacre, and can, according to known cases, affect the poor or the notables,
the Jews or the doctors. Jacques REVEL, Jean Pierre Peter:
''Le corps : l'homme malade et son histoire'', Jacques Le Goff, Pierre Nora
(eds): Faire de l'histoire : nouveaux objets, Vol. 3, p. 231. In the early days of the Covid epidemic19 ,
Asians were singled out as propagators of the disease
The management of epidemics in a colonial situation is a good example. It manifests its hold on bodies and space. The indigenous people,
considered as virus reservoirs, were isolated by the creation of a segregated
habitat and their bodies were delivered to laboratories as experimental
material for the search for cures for the protean diseases of the tropics.
The Contagion
Route Parallel to the second half of the 19th century
The great
international economic routes criss-crossing the planet have always been the
channels through which people have transported goods and ideas, but also germs
and intermediate vectors of the diseases that have sometimes shaken societies
to their core.
Contamination from region to region is directly related to advances in
communications. Before the 20th century, slow travel was a relative defence
against the invasion of germs. Today, the frightening speed with which man can
travel from one part of the globe to another in a matter of hours is a
permanent threat. Authors such as Philippe Curtin, for example, have approached
the slave trade as a factor in the introduction and spread of new diseases
between America and Africa. Among them is yellow fever (CURTIN,Phillip D.
«The white man's grave: image and reality. 1780-1850»,
London Institute of Commonwealth Studies, 1961, p. 94). As for cholera, its
Asian origin is indisputable. Caravans from the Maghreb introduced it into the
colony before spreading throughout West Africa.
The second half of
the nineteenth century was characterized by imperialist pressure in Senegambia,
coupled with a worsening of epidemiological phenomena. In Senegal, 28 epidemics
appeared, including 12 of yellow fever, 2 of cholera, and 11 of smallpox. This
resurgence is partly linked to the increase in human movements caused by
military penetration and the destructuring of societies in the face of a new
political and economic order. The various epidemics of recent decades raise the
question of the necessary transformations of health systems on a global scale
through eco-responsible social, political and economic regulation methods.
Controlling bodies and space: scapegoats and the economy
Thus, the extreme
rigour in the application of sanitary measures was detrimental to the interests
of trade. The representatives of the Chambers of Commerce (formed since 1869),
did not fail to put pressure on the administration. At the beginning of each
epidemic, this resulted in procrastination and reluctance to give the alarm
that set in motion the inevitable sanitary measures, the most feared of which
were quarantine and sanitary cordons.
The decree of 31
March 1897, supplemented by the decree of 20 July 1899, instituted the
verification of the state of health of persons embarking and disembarking and the
taking of measures in the event of epidemics. Trafficking ships were
quarantined for 3 or 9 days under the suspect regime and had to undergo medical
examination of passengers and crew, disinfection of clothing and bedding. At
the same time, the law also introduced the health passport system. Moreover, as
soon as a region is declared infested, all other regions are prohibited from
communicating with it, including foreign territories. In order to make these
measures effective, diplomatic health representations had been set up to
monitor the health situation in the colony concerned.
Faced with the
difficulty of curbing epidemics and the obstinate resistance of the natives,
the rift between the different social groups materialized in a set of medical
theories which led to the birth of the notion of «dangerous classes»
or classes considered as such. To a lesser extent, the indigenous, Syrian and
Portuguese people are subject to strict surveillance. Among the monitoring
mechanisms are the hygiene services, the medical structures through hospital
statistics, the police and a rigorous legislative and regulatory framework.
Syrians are
considered to be active agents in the spread of yellow fever. Their
surveillance is therefore a prerequisite for the protection of public health.
This policy is embodied in a decision of the Governor General instituting the
issuance of identity cards to Syrian peddlers. This decision obliges all Syrian
peddlers to report to the police station or the administrator of their
residence, where they will be issued with identity cards. This identification
measure is coupled with a strict control of their movements. Under the terms of
the regulations, before travelling, they were required to notify the police
station or the administrator of their departure date and destination. Their
identity card was annotated accordingly. However, the Commissioner notes that
these individuals are accustomed to changing their names and residences very
often and that the requirement to carry and have their cards stamped is a great
inconvenience for them. For this reason, he announces his intention to insist
very rigorously that they should all be in order to be able to keep track of
their movements outside the cities.
An analysis of the
measures taken against Syrians shows that this is not apparent from the
information provided by the colony’s health and police services. The reasons
for this are of an economic nature. Following the First World War, the League
of Nations placed Syria and Lebanon under the French protectorate and the
citizens of these countries were granted the status of French
«protégés», thus opening the doors to the French colonies. The mode
of organization and their rapid integration into the network of the slave trade
hitherto under the control of French trading houses and traitors to the
colonies made them formidable competitors. The economic crisis in the oilseed
sector, which accounts for 90% of Senegal’s exports and 60% of AOF’s exports,
is reinforced by international speculation and the cavalry of foreign trusts
such as Unilever. This situation reinforces the feeling of abandonment of the
colonials and a stigmatization of immigration and the status of
Lebanese-Syrians conveyed by the chambers of commerce, the Colonial Union and
local politicians: There is talk in Paris of limiting the immigration of
Syrians to AOF. Thus, everywhere in the
French colonies, cities reserved for Europeans were erected on the plateaus
away from the indigenous cities erected in the lowlands and the non aedificandi
zones established between the different cities. In Senegal, the Medina was
erected following the plague epidemic of 1914 and a set of urban planning
regulations was put in place to expel the Leboues from the European city. Faced
with the difficulty of curbing epidemics, the city of Dakar was separated from
the colony in 1924 by the creation of the Administrative District of Dakar,
independent of the colony of Senegal and with its own health service. The
latter was transformed into the Delegation of Dakar and Dependencies in 1946
because the Governor General considered that the health protection of Dakar was
poorly ensured.
The various texts organizing the health services in the AOF led to the
conception of a health service comprising two main divisions. A fixed
territorial service and a mobile prophylaxis service at the level of the
federation. Independence put an end to the federal organisation despite the
fact that viruses and diseases know no borders. The absence of a regional
mechanism to combat endemoepidemics resulted in the resurgence of scourges from
the past.
Public
Information during epidemics outbreak
In Senegal, on the occasion of each epidemic, the administration,
although it cannot deny the existence of an epidemic, minimizes its seriousness
by first giving it a reassuring name or manipulates the information. Thus, in the Moniteur du Sénégal, the colony's official information
organ, the weekly list of deaths during major epidemics is systematically
ceased to be published. This practice is
repeatedly criticized.
In July 1881, in
the midst of an epidemic crisis, while the army was engaged in the conquest of
Niger, it was losing battalions from day to day following an epidemic of yellow
fever, the main theme of the Moniteur du Sénégal the march of troops to the
East. No mention is made of the sanitary situation.
The policy of
silence practised by the Senegalese administration was not followed in
metropolitan France. In fact, in addition to newspapers close to economic
circles, which had an interest in maintaining the reputation of a healthy
Senegal, other newspapers, with each epidemic, fuelled the controversy over the
figures and nature of the epidemics. In Le Républicain Lorrain of October 7,
1927, we read the following: Senegal is currently experiencing a drought
unknown to this day, and yellow fever kills hundreds of people every day. Six
months after the first case of yellow fever in Senegal, the newspaper Le Petit
Var, published the following information on October 18, 1927:
Despite official silence,
the truth is beginning to come out. And the truth is infinitely sad. Yellow
fever is claiming many victims in Senegal. This epidemic denied by the
administration spreads its ravages and it is the poor buggers who are the most
affected.
Despite the disturbing
news reported by the press and travellers arriving from Senegal, Blaise Diagne,
MP from Senegal, said in an interview with the newspaper Le Matin :
There is no
epidemic; but there has been an endemic outbreak of yellow fever since 1926.
The indigenous neighbourhoods, which are under strict surveillance and where
the inhabitants have had to comply with the prescriptions of the hygiene
service, have escaped the disease. Europeans, on the other hand, living in
often defective but inviolable interiors, have been much more affected and I
can say without fear of contradiction that all the cases of yellow fever
observed have been in European districts of Dakar (ANS, H12 (1): Reproduction
of the article in ''Le Petit Marocain''.).
The services of the
Ministry of Colonies in Paris are of the same opinion. This official position
of the Ministry’s services can be interpreted as a will to trivialize yellow
fever by making it fall into the category of endemic diseases. This position
was also defended by Camille Guy, former governor of the colony of French
Guinea, who considered that
That there was no
yellow fever in A.O.F. that only the sowers of false news, fishermen in
troubled waters and restless spirits had uttered the big word of epidemic and
methodically sowed panic (Le Petit Marseillais, September 13, 1927).
Shocked by the
Senegalese parliamentarian’s statements, the people of Europe protested through
the press and considered Blaise Diagne’s statements unworthy. The MP’s
statements can be interpreted in two ways: the first is that they are
politically motivated. Indeed, as the
indigenous populations had become an important electorate, the exploitation of
the frustrations resulting from the «health dictatorship» was a
strong political argument. Secondly, Blaise Diagne learned the lesson of the
plague epidemic of 1914 and the political exploitation that had been made of
it. He set his reaction in the perspective of the 1928 legislative elections.
He explained the reasons for the selectivity of the disease to Europeans alone
by the fact that they were not worried by the very strict laws of public
hygiene, whereas the natives, who were under strict surveillance, remained
unharmed. On the other hand, it tries to protect the Administration from
accusations of negligence and carelessness that led to the epidemic.
The press played an important role in the management of the 1927
epidemic. By exposing the real or supposed situation of the disease in Senegal,
it forced the Administration to react and take measures that later proved
effective. Governor Carde was forced to return to his post in Dakar, and the
Ministry of Colonies at the same time committed a mission to actively combat
the epidemic. This mission was led by Mr. Pettit, a professor at the Pasteur
Institute and a member of the Academy of Medicine. Its objective was to
- The organization
of prophylaxis against the disease;
- scientific research firstly on the choice of a receptive animal
sensitive to the bite of stegomya and then to verify the causes of the «refractory»
character of negroes to the disease. (It is interesting to note that at the
beginning of the Covid epidemic19 , the question of the absence of cases in
Africa, while the epidemic was gaining momentum in China and Europe, theories
on a supposed immunity of Blacks were put forward in popular circles).
The current COVID
epidemic19 reveals the consubstantial ancestral archetypes of epidemics since
the beginning of mankind. From the fear of death to the temptation to find scapegoats
responsible for spreading and maintaining the evil, the various information
conveyed by social networks and the online press compete with each other, from
conspiracy theories and commercial warfare strategies to the most zany ideas.
No matter how the epidemic turns out, the world will definitely remember that
the current model of imbalanced ecosystems responsible for climate change and
the management of solidarity through wild economic models will inevitably
produce other pandemics that will expose the now globalized vulnerabilities.
This makes the current crisis a tremendous opportunity to reform international
health policy.