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Ralambotsirofo : aux origines de la «police indigène» malgache (1895-1898)

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Le 30 septembre 1895, les troupes françaises du général Duchesne s’emparent d’Antananarivo à la suite du débarquement du corps expéditionnaire français à Majunga, le 23 avril 1895. La Grande Île passe sous protectorat des Français qui réorganisent immédiatement le pouvoir politique sans renverser formellement la monarchie malgache… pour mieux en instrumentaliser les institutions. Les militaires français contraignent la reine Ranavalona III à démettre son Premier ministre Rainilaiarivony, âme de
Portrait de Ralambotsirofo, chef de la police indigène, 15 honneurs (© ANOM)
publié le 18 mars 2020 à 9h32
(mis à jour le 20 mars 2020 à 10h32)

Le 30 septembre 1895, les troupes françaises du général Duchesne s’emparent d’Antananarivo à la suite du débarquement du corps expéditionnaire français à Majunga, le 23 avril 1895. La Grande Île passe sous protectorat des Français qui réorganisent immédiatement le pouvoir politique sans renverser formellement la monarchie malgache… pour mieux en instrumentaliser les institutions. Les militaires français contraignent la reine Ranavalona III à démettre son Premier ministre Rainilaiarivony, âme de la résistance politique à la France depuis 1885.

Par-delà les mesures militaires et politiques prises par les Français, une troisième dimension méconnue permet de (re)prendre le contrôle de l’île : la police.

Dès le 3 octobre 1895, un « chef de la police indigène » est nommé : Ralambotsirofo. Né en 1837, ce Merina d'Antananarivo de 58 ans appartient au monde des élites royales. Il reste peu de temps à la tête de la « police indigène » (3 ans, entre 1895 et 1898), mais joue un rôle déterminant en inaugurant cette force de l'ordre malgache inédite. Car les élites sont divisées entre deux grandes tendances après la défaite : ceux qui veulent résister et ceux qui veulent manœuvrer dans le cadre des institutions royales. Ralambotsirofo appartient à cette deuxième tendance.

Ralambotsirofo atteint sous la pression des militaires français les plus hauts grades administratifs : le général Duchesne le nomme 14 honneurs en 1896 et le général Galliéni le nomme 15 honneurs en 1897 (l'aboutissement du cursus honorummalgache). Les deux fois, pour « services rendus ». Et pour cause : les Français doivent faire face à l'insurrection Menalamba dès 1895, puis à celle du Prince Ratsimamanga et du ministre de l'Intérieur Rainandriamampandry en 1896. Galliéni est envoyé à Madagascar en 1896 pour réprimer ces situations insurrectionnelles. Ratsimamanga et Rainandriamampandry sont arrêtés et fusillés le 15 octobre 1896. Rabezavana et Rainibetsimisaraka, deux chefs de guerre de l'insurrection Menalamba, font soumission le 29 juillet 1897 devant Gallieni dans une mise en scène savamment orchestrée. A l'issue de cette phase de contre-insurrection, Galliéni honore Ralambotsirofo le 27 décembre 1897… cinq jours avant sa mise à la retraite le 1er janvier 1898, pour couronner non seulement sa carrière mais aussi – et surtout – ses choix politiques.

Ralambotsirofo laisse derrière lui la « police indigène ». Ainsi que le montrent les travaux de Nicolas Courtin, la « garde indigène » (la désignation sémantique de cette structure évolue entre 1896 et 1914) devient une institution spécifique malgache entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. En effet, Ralambotsirofo n'a pas créé une simple police de supplétifs coloniaux. Il a créé un corps spécial royal Merina. Il a recruté d'anciens soldats d'élite de l'armée royale Merina pour constituer ses troupes. Il a imposé une force qui doit incarner la souveraineté des institutions royales malgaches dans sa reconquête territoriale de la Grande Île contre les différentes insurrections, et notamment les Menalamba. C'est la raison pour laquelle le principal interlocuteur de Ralambotsirofo est la Prévôté (unité judiciaire du corps expéditionnaire).

Dans cette perspective, la garde indigène est le produit conjoint du protectorat et des institutions royales. Selon Nicolas Courtin, cette police indigène se trouve finalement à la croisée de trois questions cruciales que doivent affronter autant la Monarchie Merina post-1895 que les Français : « la main d'œuvre et la mise au travail forcé, la fiscalité et la perception de l'impôt (fondements de l'économie coloniale), et enfin l'ordre et son maintien. » (« La Garde indigène à Madagascar », Maintenir l'ordre colonial. Afrique et Madagascar XIXe-XXe siècle, PUR, 2012).

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