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Blog «Coulisses de Bruxelles»

Les coulisses du bras de fer entre Boris Johnson et Emmanuel Macron

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Tout était prêt pour fermer la frontière entre la France et le Royaume-Uni dès vendredi soir. Le matin même, Emmanuel Macron a appelé le Premier ministre britannique, Boris Johnson, pour le prévenir : s’il persistait à ne prendre aucune mesure pour enrayer la progression de la pandémie de coronavirus sur son territoire, la France n’aurait d’autre choix que de refuser l’entrée sur son territoire à tous les voyageurs provenant du Royaume Uni, c’est-à-dire de le considérer comme un pays tiers. Et t
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publié le 26 mars 2020 à 19h22

Tout était prêt pour fermer la frontière entre la France et le Royaume-Uni dès vendredi soir. Le matin même, Emmanuel Macron a appelé le Premier ministre britannique, Boris Johnson, pour le prévenir : s'il persistait à ne prendre aucune mesure pour enrayer la progression de la pandémie de coronavirus sur son territoire, la France n'aurait d'autre choix que de refuser l'entrée sur son territoire à tous les voyageurs provenant du Royaume Uni, c'est-à-dire de le considérer comme un pays tiers. Et tous les autres Etats européens auraient fait de même, ce qui aurait été une très mauvaise nouvelle pour l'économie britannique et la politique de «benign neglect» («douce négligence») du gouvernement. «On a dû clairement le menacer pour qu'il bouge enfin», reconnait-on à l'Elysée. L'ultimatum fixé, «BoJo» a dû se résoudre à «demander», non sans réticence, aux pubs, cafés, bars, restaurants et autres lieux de rassemblement social, comme les théâtres, les cinémas et les salles de sport de fermer à compter de vendredi soir.

Boris Johnson a bougé sous la menace

Lorsque les Vingt-Sept ont décidé, le 17 mars, de fermer pour trente jours leurs frontières extérieures, le Royaume-Uni, qui a quitté l'Union le 31 janvier, a néanmoins bénéficié d'une exception :«Juridiquement, il fait partie du marché intérieur jusqu'au 31 décembre 2020 et on est toujours très intégrés économiquement, explique-t-on à Paris. Il fallait donc que Londres ferme ses frontières extérieures avec nous. En outre, il y avait la question de la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord qu'il fallait maintenir ouverte.» Mais devant le refus persistant de Johnson de bouger, même Dublin s'est dit prête à fermer sa frontière avec Belfast, quelle que soit la portée symbolique de l'évènement. En effet, si les négociations du Brexit ont pris autant de temps, c'est notamment pour maintenir ouvert le passage entre les deux parties de l'île, comme le prévoit l'accord du Vendredi saint de 1998 qui a mis fin à la guerre civile nord-irlandaise.

Mais si Johnson a bougé sous la menace, on est encore très loin du confinement italien, espagnol, français ou belge. Mais on estime à Paris «qu’il va y venir». Reste que d’autres pays européens refusent aussi de telles mesures extrêmes. Ainsi, en Allemagne, «il y a un aspect traumatique à obliger les gens à rester chez eux et à déployer la police dans la rue, estime-t-on à l’Élysée. Aux Pays-Bas et en Suède, ce sont des sociétés ouvertes, mais il y a un fort sens de la responsabilité individuelle comme le montre la chute de 85% de la fréquentation des transports publics néerlandais». Cela étant, depuis quinze jours, toutes les mesures sanitaires convergent petit à petit vers davantage de rigueur.

Gestion des frontières intérieures

Le problème le plus délicat que doivent gérer les Vingt-Sept reste celui de la fermeture plus ou moins stricte des frontières intérieures. Lors du dernier sommet européen, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont mis d’accord pour qu’il n’y ait pas d’interruption du flux de marchandises, ce qui entraînerait des ruptures d’approvisionnement, ou de la circulation des travailleurs frontaliers. «Cette question exige une gestion fine et très politique,explique-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. On ne doit pas laisser les populistes, qui sont en embuscade, accuser les gouvernements d’être responsables de l’extension de l’épidémie. En même temps, on ne peut, en les fermant totalement, accréditer l’idée qu’un virus peut être stoppé par un contrôle de police. C’est une ligne de crête.»

Photo: GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP