Cela commence par un jeu de société des plus éculés, de ceux qui nourrissent à intervalles réguliers les conversations de fin de dîner, bien au-delà du cercle chenu des baby-boomers : finalement, tout compte fait, avec le recul du temps, quel est le meilleur groupe, les Beatles ou les Rolling Stones ? Leitmotiv des débats entre fans depuis la bataille symbolique qui a opposé les deux formations au milieu des sixties, la question a été retournée mille fois, dans tous ses aspects, sous tous ses angles, musicaux, littéraires, commerciaux, sociologiques, politiques et même métaphysiques. Pourtant Yves Delmas et Charles Gancel, deux chefs d'entreprise qui ont manifestement passé autant de temps à écouter du rock qu'à lire leurs comptes d'exploitation, réussissent à renouveler le genre, sur la base d'une érudition sans faille.
Musicalement, la réponse n'est pas douteuse. Le duo Lennon-McCartney fut à coup sûr plus inventif, plus productif, plus harmonieux que la paire Jagger-Richards, même si le grand Keith fut justement surnommé le «Roi du riff», auteur de quelques incipit musicaux les plus célèbres au monde. Le hasard a fait naître à quelques centaines de mètres l'un de l'autre, dans le Liverpool éprouvé par la guerre, deux des mélodistes les plus doués du siècle. Sir Paul était meilleur bassiste que le métronomique Bill Wyman, sa voix plus souple et les chœurs des Beatles très supérieurs à ceux des Stones, même si les performances scéniques de Jagger sont inépuisables.<