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Interview

Antoine Compagnon : «Montaigne nous rappelle que la mélancolie du confinement peut être domestiquée par la lecture»

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Pour nous aider à vivre la retraite imposée ces jours-ci, le professeur au Collège de France et critique littéraire nous invite à lire ou relire deux auteurs ayant vécu le confinement, Michel de Montaigne et Marcel Proust. Leurs expériences, qui peuvent désormais nous sembler familières, montrent que l’isolement rend plus présentes les interrogations sur le sens de la vie et de la mort. Pour transformer nos inquiétudes en sagesse, il faut d’abord les apprivoiser.
Une édition des "Essais" de Michel de Montaigne (en portrait) datant de 1700. (Photo Paul D. Stewart. AKG Images. Science Photo Library)
publié le 2 avril 2020 à 17h41

A l'heure du confinement, la littérature est un refuge pour occuper le temps et surmonter ses angoisses. Après une ruée sur la Peste de Camus au début de l'épidémie, de nombreux lecteurs ont choisi la Recherche du temps perdu de Proust ou invoqué la figure de Montaigne, connu pour les heures solitaires passées dans sa bibliothèque. Critique littéraire et professeur au Collège de France, Antoine Compagnon connaît bien la vie et l'œuvre de ces deux auteurs. Il raconte comment leurs expériences de confinement peuvent nous aider à faire du nôtre une expérience surmontable, voire profitable.

Peut-on prendre modèle sur Montaigne pour surmonter le confinement ?

Montaigne a connu des conditions de vie bien pires que les nôtres aujourd’hui : à la fois la guerre civile et la peste. Il a été confronté quotidiennement à la mort tout au long de sa vie adulte. Pour nous, une telle existence est difficile à concevoir. La présence de la mort est occultée dans le monde dans lequel nous vivons d’ordinaire. Mais, soudain, les circonstances nous rappellent la précarité de la vie. Nous nous faisons de plus en plus de souci pour nos proches, car nous commençons tous à connaître des malades. Tout le monde éprouve désormais l’épidémie de façon intime. Alors, relire Montaigne, pourquoi pas ? Toute son œuvre est liée à la réflexion sur la vie et la mort