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Interview

Bertrand Badie : «Jusqu’à maintenant, les crises sanitaires touchaient essentiellement les pays du Sud»

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Pandémies, climat, faim : le spécialiste des relations internationales démontre depuis longtemps que toutes les nations sont interdépendantes face à des menaces planétaires qui sont liées. Les questions de santé sont celles qui atteignent les souverainetés de façon presque intime. D’où la difficulté à mettre en place une solidarité internationale ?
File d’attente sur le parking d’un supermarché de Chatsworth, près de Durban, en Afrique du Sud, le 31 mars. (Photo Rogan Ward. Reuters)
publié le 9 avril 2020 à 18h26

Plus de 10 000 morts victimes du Covid-19 aux Etats-Unis, nouvel épicentre de l'épidémie après l'Asie et l'Europe. Les pays les plus développés semblent désarmés face à cette pandémie. «L'impuissance de la puissance», dirait le politologue Bertrand Badie, auteur de l'Hégémonie contestée. Les nouvelles formes de domination internationale (Odile Jacob, 2019). Le multilatéralisme semble avoir disparu derrière les égoïsmes nationaux. Pourtant, jamais nous n'avons eu autant besoin d'une telle coopération, seul remède face à la crise systémique que nous traversons, affirme le spécialiste des relations internationales.

Que pensez-vous de l’attitude des Etats par temps de coronavirus ?

Dans les situations d’urgence, les Etats ont pour habitude de passer par-dessus la solidarité internationale ou le multilatéralisme. En outre, la plupart des gouvernements souffrent d’une forte défiance au sein de leur opinion publique : ils jouent donc de la surenchère dans l’usage de la vieille méthode du cavalier seul, à l’instar des Etats-Unis glanant le maximum de masques jusque sur les tarmacs des aéroports étrangers. Mais de telles pratiques ne sont pas nouvelles, même si elles étaient naguère plus ouatées : on appelait cela du doux nom de «concurrence déloyale»…

On assiste aussi à un manque de solidarité au sein même de l’Union européenne ?

L’Union est sûrement la principale victime de cette crise. Le manque de solidarité vis-à-vis de l’Italie est très instructif. Il est grave de voir apparaître à nouveau cette coupure presque rituelle entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud. On l’a déjà connue sur la question des réfug