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Romain Graziani : «Dans certaines situations, l’action consiste à se retenir de s’agiter»

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Dans «l’Usage du vide», le philosophe fait l’éloge du «wuwei», concept taoïste intraduisible qui, à contre-courant de l’agitation volontaire et du sens de l’effort valorisés dans nos sociétés, prône de ne rien faire pour réussir, de ne pas chercher pour trouver. Aussi bien le sommeil que la grâce, le bonheur, l’amour. A mettre en œuvre en temps de confinement ?
(Dessin Benjamin Tejero)
publié le 26 avril 2020 à 17h16

Interview extraite de bulb, la revue Idées de Libération. Lisez Bulb#2, le deuxième numéro qui vient de sortir.

La bonne nouvelle est que la volonté ne peut pas tout, et qu'il faut savoir être indolent. On échoue parfois non parce qu'on ne travaille pas assez, qu'on manque de persévérance ou de détermination, mais à l'inverse parce qu'on fait trop d'efforts. Dans l'Usage du vide. Essai sur l'intelligence de l'action, de l'Europe à la Chine (Gallimard, 2019), Romain Graziani étudie une notion essentielle à la pensée taoïste mais qui manque dans la langue française, dont le «lâcher prise» si glorifié aujourd'hui peine à rendre compte : «wuwei». Ce concept désigne ce qui rend possible l'obtention d'états hautement désirables qu'on ne peut atteindre qu'à la condition expresse de ne pas les rechercher. L'insomniaque qui veut à tout prix dormir ne s'endormira que s'il met en veille son obsession. Il est difficile de tomber amoureux en s'obligeant à l'être. On ne peut décider d'être spontané, ou encore d'être naturel quand on est pris en photo. Le philosophe et sinologue, professeur à l'Ecole normale supérieure, où il enseigne à des étudiants pour lesquels la persévérance a payé, montre les limites d'un credo en général admis et opérant : «Quand on veut, on peut.» Dans la pensée taoïste, ce qui entrave la volonté n'est pas un (mauvais) tour d'un inconscient ret