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Découverte du vaccin de la fièvre jaune à Dakar : Comment les médecins sauvèrent un empire ?

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Texte d’Adama Aly PAM, docteur en histoire et chef archiviste de l’UNESCO. La fièvre jaune, maladie hémorragique virale aiguë a été par le passé un fléau planétaire. En plus de la longue cohorte des morts, elle a été la cause de faillites célèbres (canal de Panama), d’abandon et de désertions de villes (Bassam en Côte d’Ivoire) et de profondes transformations de l’espace urbain dans les colonies françaises d’Afrique notamment la partition de la colonie du Sénégal séparant Dakar du reste du
Vaccin par scarification contre la fièvre jaune circa 1939. ASNOM.
publié le 3 mai 2020 à 10h07

Texte d'Adama Aly PAM, docteur en histoire et chef archiviste de l'UNESCO.

La fièvre jaune, maladie hémorragique virale aiguë a été par le passé un fléau planétaire. En plus de la longue cohorte des morts, elle a été la cause de faillites célèbres (canal de Panama), d’abandon et de désertions de villes (Bassam en Côte d’Ivoire) et de profondes transformations de l’espace urbain dans les colonies françaises d’Afrique notamment la partition de la colonie du Sénégal séparant Dakar du reste du territoire.
A partir de 1878, elle se présente sous forme endémique et occasionne de redoutables épidémies. La première entraîne 749 décès sur 1474 Européens et décime presque entièrement le corps médical en service au Sénégal qui enregistre 22 décès sur 26 médecins et pharmaciens. L’épidémie de 1881 est aussi remarquable présente aussi les mêmes caractéristiques. Le Gouverneur de la colonie, LANNEAU a été l’une des victimes de cette épidémie. L’armée engagée dans la lutte l’Etat Toucouleur de Ségou est presque entièrement détruite. A ce titre, C. Pulvenis remarque que LAT-DIOR aurait pu prendre Saint-Louis où ne restait plus que 50 soldats Européens. L’épidémie de 1900 entraine la désertion de 3000 colons qui se bosculent au port de Dakar pour rejoindre la métropole. Parmi les fuyards, le gouverneur Chaudié qui sera révoqué de ses fonctions pour avoir abandonné la colonie en pleine crise épidémique.
Face à l’hécatombe causée par cette redoutable maladie protéiforme, un article publié en 1844 dans les colonnes du Journal du Havre, il s’interrogeait en ces termes :

Que nous rapporteront ces établissements ? Que nous ont-ils rapporté jusqu’à ce jour ? Des dépenses inutiles, des promesses faites par la bouche de ceux qui avaient intérêt à les vanter. Quelle mine d’or théoriquement ! Vrais châteaux de sables, je le répète, sur lesquels on a fondé des espérances chimériques ou politiquement raisonnées et qui s’écrouleront comme les bastions qui les défendent.

Face aux acteurs qui prédisent déjà la faillite de la colonisation, le ministère de la Marine et des Colonies présente les nouvelles possessions sous un jour favorable et les médecins chargés d’organiser la défense des nouvelles colonies représentent l’optimisme colonial face à certains groupes découragés par tant de mortalités. Cette lutte héroïque contre la fièvre jaune est très intéressante et rappelle à bien des égards le combat livré à la COVID19 eu égards à la dimension du péril, des luttes de pouvoirs et les conséquences économiques et politiques. Nous consacrons cette réflexion au cheminement scientifique de la découverte du virus et de l’invention de la thérapeutique contre un fléau devenu depuis une des vieilles peurs du passé.

De l'immobilisme scientifique en France et aux colonies

Malgré la facilité des communications et aussi des échanges d’idées avec les États-Unis où des progrès notables ont été réalisés dans la lutte contre la fièvre jaune, on reste en France et dans les colonies attachées à des pratiques héritées des siècles passés. Dans le traitement de la maladie, on continue à purger et à saigner les malades. Le rôle du stégomya dans la transmission de la fièvre jaune, affirmé et démontré en 1881 par un médecin cubain, Carlos Finlay, restait ignoré du public comme des médecins au Sénégal. Cette ignorance était telle que lors de l’épidémie de fièvre jaune de 1900, qui sévit au Sénégal, à Saint-Louis et à Dakar et qui causa la mort de 225 personnes de race blanche, les habitants la nuit venue, montaient sur les terrasses de leurs maisons, dans l’espoir d’y respirer un air pur, s’exposant ainsi aux piqûres des stegomya infectés. Le service médical émit l’hypothèse que l’épidémie qui régnerait à Dakar serait due aux travaux en cours d’exécution à Hann, pour l’alimentation en eau de cette ville. La raison invoquée est que des tranchées auraient été ouvertes à quelques mètres des tombes de disciplinaires morts de la fièvre jaune en 1878.
Malgré les progrès réalisés en Amérique, faisant du moustique le vecteur de la maladie, les idées régnantes au Sénégal dans la lutte contre la fièvre jaune sont caractérisées par une sorte d’immobilisme scientifique faisant recours à une rhétorique scientifique anachronique et des pratiques médicales désuètes. La part faite à la contagion par le moustique est bien petite encore c’est à peine s’il est cité. Les nouvelles découvertes sur la maladie furent ainsi réfutées avec force démonstration par plusieurs médecins dont le docteur Corre en France, qui jouissait d’une grande réputation au sein de ses pairs. Ce dernier avec ironie s’étonnait de la puissance nocive qu’un insecte aussi petit que le moustique, peut tout à coup acquérir en puisant, avec le sang des malades, le principe de la contamination spécifique. Son scepticisme est partagé par la presse française qui rendait compte de la découverte et des expériences américaines avec une certaine ironie. Reprenant l’information publiée par le journal britannique Times «à titre d’information susceptible d’intéresser le commerce bordelais en relations étroites avec la colonie du Sénégal», Le Bordelais écrivait, non sans ironie, les lignes suivantes :

les moustiques sont en train de se faire une bien mauvaise réputation et les méfaits dont on les accuse deviennent de plus en plus nombreux. Déjà on leur attribuait la propagation des fièvres palustres ; voici maintenant qu'on en fait les agents de la transmission de la fièvre jaune

Plusieurs découvertes de germes prétendus responsables de la maladie furent tour à tour abandonnées. En 1919, Ideyo Noguchi (1876-1928), célèbre savant japonais, publie un mémoire dans lequel il affirmait que la fièvre jaune est causée par un germe visible, le Leptospira ictéroide. L’autorité du savant était tel qu’on ne mit guère doute à la réalité de sa découverte. Tous les traités médicaux de l’époque adoptèrent la conception spirochétienne.
Lors de la réunion de la conférence sanitaire de Paris en 1926, cette conclusion fut adoptée par la sous-commission épidémiologique. Celle-ci affirmait dans ces conclusions que « La fièvre jaune se propage par la transmission d’un germe spécifique (leptospira ictéroides) par l’intermédiaire du stegomya calopus». Cette conclusion fut adoptée par tous les traités et inspira les mesures de lutte contre la maladie. Toutefois, la mission américaine de la Fondation Rockefeller, envoyée en 1925, à Lagos mit une première fois des doutes sur l’agent causal de Noguichi.
Sur instruction du gouverneur Général de l’AOF, l’inspecteur général Lasnet, s’est entendu avec M. Roux, Directeur de l’Institut Pasteur , pour la fabrication de vaccin et de sérum de Noguichi. La commission de la fièvre jaune du Bureau d’Hygiène internationale de la Fondation Rockefeller pendant 18 mois, de janvier 1926 à mai 1927, toutes les recherches ont eu pour but d’isoler le leptospire ictéroide du sang des jauneux et de reproduire la maladie chez les animaux de laboratoire. Aucun animal n’est mort de lésions suggérant la fièvre jaune.
Les recherches effectuées au Laboratoire de l’Institut Pasteur de Dakar dans le but de vérifier la présence du leptospira dans le sang des malades atteints de la fièvre jaune en adoptant la technique expérimentale de Noguchi, concluent à des résultats négatifs. Les recherches sur les singes infectés n’ont pas non plus confirmé la doctrine du savant japonais. D’ailleurs, Noguchi, lui-même constata en avril 1928, son erreur. Le leptospira n’était pas responsable de la fièvre jaune et son isolement par certains chercheurs ou bien signifiait une pure erreur de diagnostic clinique en prenant pour de la fièvre jaune, des cas de fièvre ictéro-hemorragique, ou bien ce qui, selon Carlos Chagas, paraît plus probable, qu’il s’agisse là de la présence accidentelle de ce germe dans le sang. Cette dernière hypothèse trouverait sa base dans le fait que l’on a fréquemment isolé d’eaux de provenance diverses des leptospiras pathogènes.
Parmi les zones d’ombres de la recherche médicale sur la maladie, figure la question ancienne de savoir pourquoi les Noirs sont réfractaires à la maladie. C’est l’objectif fixé au Docteur Pettit, envoyé en mission au Sénégal en 1927. La conférence intercoloniale de la fièvre jaune tenue à Dakar en avril 1928, mit fin au mythe de l’immunité raciale des indigènes face à la fièvre jaune. Ce constat a pour conséquence la mise en place de nouvelles règles de surveillance et de contrôle de ces derniers. Au même titre que les indigènes, les Syriens, les Marocains et les Portugais sont également considérés comme des agents actifs de diffusion de la fièvre jaune.

II – Des savants pour l’Empire : un vaccin a tout prix

Les recherches entreprises en vue de mettre au point le vaccin de la fièvre jaune, furent longues et ponctuées d’erreurs et de controverses scientifiques avant que le vaccin ne soit finalement mis au point à l’Institut Pasteur de Dakar. Toutefois, la mise en pratique de la vaccination fut encore plus difficile du fait des accidents post-vaccinaux et de la méfiance des populations indigènes et des Européens vis-à-vis du vaccin.
Les recherches pour la mise au point d’un vaccin contre la fièvre jaune auraient pu avoir lieu à Paris, si le docteur Roux n’avait craint l’expérimentation de ce vaccin vivant sur l’homme. C’est dans les laboratoires des colonies que sortira le premier vaccin français contre la fièvre jaune. Roux interdit toute publication au cas où le professeur Sellards et le docteur Mathis poursuivraient leurs travaux. Charles Nicolle, de passage à Paris, proposa aux deux chercheurs dépités de venir finir leurs expériences dans son institut Pasteur de Tunis où il leur proposerait non pas des aliénés mais du matériel humain de laboratoire, autrement dit des malades. Cela aboutit, on le sait, à la création du vaccin au jaune d’œuf avec le docteur Laigret. Ce vaccin n’était pas sans poser de problèmes. En effet, le vaccin n’étant pas parfaitement à point induisait des réactions violentes et parfois entraînait la mort des personnes vaccinées.

Les tests de séro-protection : la révolution de la souris blanche

Les laboratoires engagés dans la lutte contre la fièvre jaune parviennent à reproduire la maladie en laboratoire sur des cobayes. Il s’agit du typhus amaril expérimental. Le virus utilisé a pour origine un virus humain, isolé à Dakar, en 1927, par A.W Sellards, chez un Syrien atteint de fièvre jaune légère. Ce virus a été conservé par passages successifs sur Macacus rhésus et sur Aedes Aegyti. Il est connu dans les laboratoires sous le nom de « souche française », désignation donnée par Sellards pour le distinguer de la « souche Asibi » (du nom du noir qui l’a fournie) et qui a été isolée par les membres de la mission américaine de la Fondation Rockfeller, à Lagos (Nigeria).
En inoculant le virus amaril de singe, dans le cerveau de la souris blanche, Max Theiler, réussi en 1930 à créer une souche particulière de virus amaril adaptée à cet animal. Il a également montré que ce virus était neutralisé in vitro par le sérum d’individus convalescents de fièvre jaune, ainsi que par le sérum de singe ayant résisté au typhus amaril expérimental. Cette découverte permit à la Recherche, de faire une avancée capitale. Elle permettait d’une part, de substituer la souris blanche au macacus rhésus très coûteux et difficiles à se procurer et il n’était pas possible en les utilisant d’étendre les investigations sur une large échelle et d’autre part, l’expérimentation permettait d’établir des épreuves de séro-protection effectués en vue de la détermination des zones d’endémicité amarile dans les pays où sévit de temps à autre la fièvre jaune. . Grâce à l’usage de la souris, on a pu donner plus d’ampleur à ce genre de recherche et Durieux (1932) et Stéphanoulo (1933), ayant recueilli, en Afrique occidentale française, un nombre assez considérable de sérum, on a pu commencer à établir la carte de répartition de l’endémicité amarile en AOF. L’expérience consistait à prélever du sang à un certain nombre d’indigènes et avec le sérum obtenu, on injectait des Macacus qui recevait en même temps du virus amaril de singe. Si les singes survivaient, on pouvait en conclure que le sérum avait un pouvoir protecteur et que les individus qui l’avaient fourni, avaient eu antérieurement une atteinte de fièvre jaune. Si de jeunes enfants, n’ayant jamais quitté la région, avaient un sérum protecteur, on en tire la conclusion que la région est un foyer d’endémicité amarile. Si les seuls adultes fournissaient un sérum protecteur, on pouvait affirmer qu’il y avait eu antérieurement une épidémie amarile, mais que la fièvre jaune n’y était pas implantée. La recherche de la séro-protection, permit d’établir la preuve indiscutable que, contrairement à l’opinion soutenue par certains médecins, les Noirs étaient sensibles au virus amaril, mais que chez eux la maladie revêtait des formes atténuées et frustes.
Le stade expérimental du vaccin : les cobayes humains
Au moment où il s’est agi de pratiquer la vaccination contre la fièvre jaune en Afrique occidentale dans les régions d’endémicité, on s’est demandé si cette vaccination n’était pas susceptible de créer des foyers de la maladie par l’infection des stégomya sur les sujets vaccinés, là où ils abondent. Pour répondre à cette question, des recherches furent entreprises par C. Mathis, Durieux et Advier. Les premières expériences furent rapportées dans une communication faite le 6 novembre 1934 à l’Académie de Médecine. Elles permirent d’établir que le stegomya ayant piqué des sujets vaccinés n’ataient pas capables de transmettre le virus de la fièvre jaune, au macacus rhèsus, animal extrêmement sensible à la maladie. Dans une seconde série d’expériences, les stegomyas qui s’étaient nourris sur des individus ayant reçu de fortes doses de vaccin, furent portés ensuite non sur les macacus rhèsus mais sur l’homme. Les conclusions de ces expériences sont les suivantes :

dans l'expérience n° 1, un sujet neuf a été piqué par 156 moustiques qui s'étaient nourris sur des sujets vaccinés du deuxième au quinzième jour parès la première injection de vaccin sec de Laigret. Ces moustiques reportés sur le sujet neuf du quatorzième au dix-septième jour après les repas supposés infectants n'ont pas transmis la fièvre jaune.

dans l'expérience n° 2, le sujet qui avait servi pour l'expérience précédente a été piqué par 113 moustiques qui s'étaient préalablement nourris sur des sujets vaccinés, du deuxième au seizième jour après la première injection de vaccin sec de Laigret. Parmi ces moustiques, 62 survivants ont piqué le même sujet après avoir été nourris sur des sujets vaccinés 30 jours auparavant. Toutes les expériences de transmission ont été négatives.

Le docteur Laigret, se fondant sur ces conclusions, mit en application sa méthode de vaccination. Du 10 juin à fin décembre 1934, il pratiqua 9802 vaccinations sur des individus de race blanche et des individus de race noire. On enregistra aucun cas de fièvre jaune dans l’entourage des personnes vaccinées. La conviction des expérimentateurs est d’autant plus solide que la vaccination a été faite sur un grand nombre de syriens, vivant dans des conditions de vie assez misérables, au milieu de la population indigène, n’usant pas ou usant mal de la moustiquaire et dont la plupart habitent le Sine Saloum, foyer endémique de la fièvre jaune et où les setgomya pillulent. Constant Mathis, directeur de l’Institut Pasteur de l’A.O.F. entrevoyait déjà les applications du vaccin chez la population noire.

l'indigène de l'Afrique noire supporte très bien le vaccin-virus de souris, préparé avec des cerveaux frais. Il apparaît donc possible de l'immuniser par une seule injection. Des essais sont en cours et nous espérons que l'on pourra bientôt généraliser la vaccination antiamarile aux noirs de l'Afrique, tout au moins à ceux qui habitent au voisinage des Européens et pour lesquels ils constituent une menace permanente dans les régions à endémicité amarile.

Malgré la certitude d’une partie du corps médical, des inquiétudes et des doutes subsistèrent parmi certains spécialistes. Quelques auteurs émirent des réserves pour l’avenir des sujets vaccinés et se demandèrent s’il n’y avait pas à redouter des accidents tardifs. Partant du constat que la fièvre jaune telle qu’elle se présente chez l’homme lorsqu’elle est suivie de guérison ne donne jamais lieu de séquelles, les défenseurs de la vaccination estimèrent cette inquiétude non fondée.

Les réactions post-vaccinales très sévères sont constatées chez les personnes vaccinées. Dans le rapport de fonctionnement technique de l'Institut Pasteur de l'AOF de 1937, faisant le point sur les vaccinations pratiquées à Dakar l'auteur affirme ce qui suit :

Trois observations nous ont été communiquées par l'Inspecteur général du service de santé, concernant des sujets ayant présenté très peu de temps après la vaccination : le premier, une affection mortelle à la symptomatologie non caractéristique ; le deuxième, des phénomènes pouvant faire penser à une fièvre jaune légère terminée par une guérison ; le troisième ayant fait une fièvre jaune mortelle classique.

Au cours des années 1937-1942, les statistiques ont dénombré « 62 morts par ictère grave et 30.000 jaunisses prolongées » Au vu de ces résultats on est en droit de s’interroger sur le bien-fondé de la méfiance des populations indigènes face au vaccin de la fièvre jaune. Cette méfiance trouverait peut-être son explication par le fait que des cas mortels sont observés après la vaccination. La pratique différenciée de la vaccination selon l’appartenance ethnique renforce cette attitude. Enfin, l’étude des textes réglementaires imposant la vaccination explique en partie la raison de la méfiance de ces derniers. L’instruction pour l’application de l’arrêté du 10 septembre 1941 rendant obligatoire la vaccination antiamarile en AOF réglait la vaccination selon le procédé suivant :

Chez l'indigène, la vaccination antiamarile, simple ou associée sera pratiquée systématiquement sans examen préalable spécial. Les affections aiguës fébriles pourront seules légitimer des contre-indications temporaires.

Chez l'Européen, toute vaccination simple ou associée devra être précédée d'un examen somatique minutieux éliminant en particulier tout sujet atteint d'affections intéressant le foie ou le rein. La recherche du sucre et de l'albumine devra être systématiquement pratiqué.

Autour la controverse au plan international sur la nécessité de vacciner les enfants de moins de 1 an, le docteur Pelletier déclarait que dans les territoires français, des inoculations ont été faites dans de rares occasions à des enfants noirs âgés de moins de 6 mois. Les mêmes pratiques étaient faites par la Fondation Rockefeller au Brésil. Au même moment, la position officielle du service de l’hygiène publique des États-Unis était de ne pas vacciner les enfants de moins d’un an. Cette controverse au sein du milieu médical était à elle seule un indicateur du niveau d’incertitudes sur l’innocuité du vaccin. Pour éviter de se faire vacciner, les voyageurs à destination de l’AOF se livrent à un ensemble de stratégies pour échapper à la vaccination. Le service d’hygiène attire l’attention de l’administration sur le nombre sans cesse croissant de voyageurs se présentant avec des certificats de contre-indication à la vaccination établis par les médecins métropolitains. Ces certificats n’étant valables que pour les passagers ayant empruntés la voie maritime, ceux venant par avion devaient être convoqués par le Service d’hygiène en vue de se faire vacciner. Très peu des personnes convoquées ont déféré à ces convocations. Les convocations ont dans l’ensemble été considérées comme de mauvaises plaisanteries. Les services sanitaires aériens des compagnies françaises sont les plus négligeant à ce point de vue. Les étrangers sont en règle
Certains médecins métropolitains furent poursuivis devant l’ordre des médecins pour avoir délivrés de faux certificats de vaccination à des individus pour leur éviter la vaccination devenue obligatoire à partir de 1941.
Pour la reconnaissance du vaccin français, il fallait que celui-ci réponde aux standards fixés pour le vaccin américain, le 17 D. il semblerait que des problèmes techniques ont poussé les autorités françaises à remettre en cause cette disposition et à proposer des tests de validité du vaccin produit par Dakar.
En juillet 1945, une démonstration a été pratiquée en France sous le contrôle de l’UNRRA, selon un protocole fixé par les experts de la Commission de Quarantaine et accepté par les autorités françaises. Cette démonstration a été effectuée sur 600 hommes d’une division destinée au corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient. Les hommes choisis n’avaient jamais quitté la France et n’avaient reçu aucune vaccination contre le typhus amaril. Les hommes furent divisés en trois groupes. :
. le groupe A, immunisé par scarification avec le vaccin anti amaril préparé par l’Institut Pasteur de Dakar ;
. le groupe B, immunisé par scarification avec le vaccin anti amaril de Dakar mélangé au vaccin antivariolique ;
. le groupe C, immunisé par inoculation avec le vaccin 17 D.
Des prises de sang furent effectués un mois plus tard sur les 600 sujets vaccinés, ainsi que sur 30 hommes du même régiment, non vaccinés et devant servir de témoins. Chaque sérum fut réparti en « ampoules, l’une destinée à l’institut Pasteur de l’AOF, et les deux autres à l’UNRRA aux États-Unis. Les laboratoires pratiquant les tests ignoraient la provenance exacte des sérums qui avaient été mélangés avec les sérums témoins.
En définitive, les résultats obtenus furent les suivants :
. groupe A : 98,9% des sujets immunisés (vaccin de Dakar seul)
. groupe B : 97,9% des sujets immunisés (vaccin de Dakar associé au vaccin antivariolique)
. groupe C : 64,2% de sujets immunisés (vaccin 17D).
Au vu de ces résultats et à la suite de l’avis de la Commission de Quarantaine, le Comité d’Hygiène de l’UNRRA décide de reconnaître la validité du vaccin antiamaril de l’institut Pasteur de Dakar du point de vue international.
C’est ainsi qu’à défaut de pouvoir combattre le vecteur de la maladie (le moustique) en plus de la difficulté de soumettre les colonisés aux règles sanitaires dont ils ne comprenaient pas le bien fondé, la vaccination a été conçue et mise en œuvre de manière à dresser un rideau biologique immunitaire contre la maladie. Près de 38 millions de vaccins pratiqués sur une population de 17 millions finira par venir à bout du terrible fléau. A partir de 1939, quelques cas sans liens entre eux seront occasionnellement signalés dans les campagnes sans toutefois remettre en cause la vie de millions d’individus. La fièvre jaune cesse alors d’apparaitre dans les statistiques médicales. Selon certains spécialistes, l’abandon des campagnes de vaccinations de la période coloniale font craindre le retour de l’hydre jauneaux en Afrique.

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