Tribune. Bruno Latour nous invite à «atterrir», c'est-à-dire à prendre conscience des multiples liens qui nous attachent à la Terre et à ses habitants non humains - en prendre conscience et les étendre, les enrichir et les densifier. Autrement dit, il s'agit de rompre avec la conception moderne du progrès et de l'émancipation qui consistait en la coupure - impossible - de ces liens. Il fallait se détacher de toutes nos dépendances à la Terre, s'en «libérer», pour planer dans une sphère purement humaine en lévitation au-dessus du sol, et qui n'entretiendrait avec lui qu'une relation minimale de pur utilitarisme : plantes, animaux, écosystèmes et milieux de vie sont collectivement rejetés dans les catégories silencieuses de la «nature», des «ressources» et de «l'environnement» (1).
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Sauf que, premier problème, ces catégories ont cessé d’être silencieuses. Via la crise écologique, elles pénètrent de toutes parts le vaisseau des affaires humaines, laissant prévoir un atterrissage forcé plus ou moins catastrophique. Second problème, de plus en plus de voix s’élèvent pour critiquer, indépendamment de son impossibilité physique, cette conception artificielle du progrès. Le monde pourrait bien être nettement plus juste, riche et agréable à habiter si l’on prêtait correctement attention aux interdépe