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Blog «Géographies en mouvement»

Covid 19. Comment les scientifiques vont sauver les politiques

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En interprétant les statistiques du 21 mai, les nouveaux cas de Covid-19 représentant 1,2% du bilan total sont en baisse partout dans le monde. Une géographie qui laisse penser que le coronavirus Sars-CoV-2 pourrait avoir, comme la grippe, une activité saisonnière. Du coup, les pays qui ont confiné leur population se seraient trompés. Constat glacial?
Source des données : Worldmeters et Johns-Hopkins. (Les Echos)
publié le 22 mai 2020 à 14h04
(mis à jour le 23 mai 2020 à 9h08)

Pas tout à fait, car le désaccord des scientifiques devrait servir d'argument contre les accusateurs de bonne foi comme les complotistes qui portent la charge contre le gouvernement. Les épidémiologistes qui plaident pour une activité saisonnière attendent un rebond dans l'hémisphère Sud qui entre dans l'hiver dans quelques semaines. Ça se vérifierait au Chili très impacté en ce moment, mais pas du tout en Nouvelle-Zélande où un seul cas a été enregistré en dix jours.

Sauf accident, la pandémie serait en résorption. Les Echos publient ce 22 mai une carte des nouveaux cas dans le monde d'après les données de Worldmeters et de l'université Johns-Hopkins alors qu'on vient de franchir le cap de 5 millions de cas dans le monde. Yves Bourdillon s'étonne que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) signale un nombre record de cas dans la dernière journée, due à une poussée en Russie, au Brésil, en Arabie Saoudite et aux Etats-Unis.

Avec des données certifiées, la carte montre les vingt-cinq pays qui ont le plus de personnes infectées. Il faudra un peu de recul pour savoir ce qui se passe en Suède. Les seuls grands pays où le nombre de nouveaux cas est supérieur à la moyenne mondiale sont le Brésil en pleine flambée à ce jour (+5%), le Pakistan, l’Arabie saoudite, le Mexique (4%), l’Inde et la Russie (3%). Mais un nombre de cas assez modeste, quand il est ramené aux populations (moins de 0,01% en Inde).

En Europe, l'épidémie semble quasi éteinte en Suisse (0,05% de hausse par jour depuis début mai). Les nouveaux cas déclarés sont plus nombreux en Allemagne qu'en France, Italie, Espagne. Rejoints bientôt par la Belgique et le Royaume-Uni. Avec un doute partout: sans dépistage systématique de la population, on a aucune visibilité sur les cas réels. Le doute devrait être bientôt levé: Biosynex met les bouchées doubles pour produire des Trod (tests rapides d'orientation diagnostique) permettant de diagnostiquer des anticorps avec une seule goutte de sang.

Pour les décès quotidiens, la jauge dépasse encore le millier aux Etats-Unis, la centaine - voire moins - en France, la dizaine en Italie et Espagne. Les modélisateurs font tomber les cas déclarés et les décès à zéro d’ici la mi-juin et les premiers pays à déconfiner (Autriche, Danemark) n’ont pas de rebond. Seuls quelques clusters restent actifs comme les abattoirs en France.

Ce n'est pas tout. Des chercheurs revoient le seuil d'immunité collective à la baisse: entre 10 et 20%, à condition de maintenir les portes d'entrée du virus fermées. Et on est loin d'avoir tout compris sur les raisons pour lesquelles le virus a si peu circulé dans certaines régions de France ou du monde.

La confusion vient-elle des épidémiologistes lorsqu'on les somme d'expliquer l'affaiblissement de la pandémie? Pour les premiers, ce serait le résultat du confinement. Pour les autres, rien ne serait moins sûr. La preuve? La quasi absence de nouveaux cas dans des pays qui n'ont que très peu confiné (Balkans, Norvège, Suisse) voire jamais confiné (Suède, Japon, Corée du Sud, Taiwan…), ou encore dans les pays en développement qui n'ont eu que la solution du couvre-feu et de la quarantaine. Aux Etats-Unis, on ne voit pas de différence entre Etats confinés et ceux qui ont refusé (comme l'Arkansas, l'Iowa, les deux Dakota…).

Fatalité de la science? Par nature hésitante, tâtonnante, elle est dans ses atermoiements inacceptable pour une partie de l'opinion publique avide de certitudes ou qui crie au complot. Il y a fort à parier que les juges qui auront à se saisir des plaintes contre les politiques useront de l'incertitude de la science pour relaxer ceux qu'une partie de l'opinion continuera à désigner comme des coupables. Le tremblement de terre judiciaire fera alors chou blanc. Mais le prix politique sera incommensurable.

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