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Blog «Géographies en mouvement»

L'industrie normande dans un noeud coulant

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Chapelle Darblay de Grand-Couronne (Seine Maritime), le seul site industriel français de recyclage du papier, parfaite réussite de l’économie circulaire chère à Emmanuel Macron, menacé de fermeture. Est-ce cela le monde d’après ?
Encore une usine menacée de fermeture... Chapelle Darblay (Grand-Couronne, Seine-Maritime)
publié le 26 mai 2020 à 10h09
(mis à jour le 27 mai 2020 à 8h22)

D’humiliation en humiliation, la Normandie est en train de vivre la descente aux enfers industrielle avec la vente d’un site industriel de première importance par UPM, son propriétaire finlandais, l’usine Chapelle Darblay. Une nouvelle fois, la région voit déchiré son tissu industriel, déjà mis à mal par la fermeture de la raffinerie Petroplus en 2013, l’incendie de Lubrizol et Normandie Logistique l’an dernier. Pas question pour les élus, de laisser sans réagir, 1000 familles sur le carreau.

Le site où l’on a inventé le recyclage du papier

Dans la géographie industrielle de la France, Chapelle Darblay a 90 ans, et elle est pourtant un site exemplaire sur le plan écologique. Là, a été inventé le recyclage des papiers en 1985. Le seul site qui produise en France du papier journal 100% recyclé. Avec quelle puissance ! 480 000 tonnes par an, représentant le tri de 24 millions d’habitants. Remarquablement située, Chapelle Darblay a un rayon d’action de 400 km qui inclut l’Ile-de-France, la Basse-Loire, le Nord jusqu’à la Bourgogne avec un transport par voie fluviale exemplaire sur le plan environnemental. Sa chaudière biomasse n’est pas rien : elle représente le tiers de la consommation régionale normande, pouvant chauffer une ville de 20 000 habitants. La station d’épuration de l’usine subvient aux besoins de 400 000 personnes.

Vertueuse économie circulaire

Voilà un site qui convient à ce dont on rêve en matière d’économie circulaire dans une France croulant sous 1,6 millions de tonnes par an de déchets en papier carton. Un site en pleine vallée de la Seine désignée priorité nationale, parfaitement équipée pour ce seul et unique site français de recyclage papier et qui pourrait fermer dans quelques semaines, au couperet du 15 juin fixé par le Finlandais UPM ? Une fermeture qui imposerait d’enfouir du papier ou de le brûler ? Serait-ce cela qu’aurait prononcé Emmanuel Macron le 13 avril « bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la résilience » ?

Faudrait-il se résigner à un terrible constat d’impuissance alors que les solutions existent ? Un site recycleur pour des tiers. Des débouchés de nouveaux produits en cellulose (emballage carton, conditionnement) tout à fait envisagés. Un repreneur qui n’aurait pas en totalité les besoins du fond de roulement, en pleine crise sanitaire, ne pourrait donc pas être aidé ? Alors que, par le passé, d’autres sites comme M-REAL à Alizay en 2013 avaient été sauvés quand l’Etat parvenait à imposer des délais plus longs, empêcher la fermeture ? Et alors même que le 11 février 2020 est promulguée une loi contre le gaspillage et l’économie circulaire ?

Le monde médiatique des discours enflammés d’Emmanuel Macron et du soldat Philippe tenant la lance depuis Matignon pour éteindre l’incendie du Covid parait loin des chantiers et des usines de la France industrielle. Nous serions donc condamnés à attendre sur le tarmac de nos aéroports, des marchandises venant de Chine, au prétexte que nous ne serions plus capables de fabriquer non pas des vaccins – choses trop savantes au pays de Pasteur – mais de simples masques. Pas acceptable après le printemps éprouvant que viennent de vivre les Français.

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