Menu
Libération

Fumées noires et gilets jaunes

publié le 27 mai 2020 à 18h36

On aurait presque oublié qu'il y a quelques mois, avant que nous commencions à nous méfier des postillons du voisin, c'était l'air lui-même qui était devenu suspect pour un certain nombre d'habitants de la métropole : le 26 septembre 2019, Rouen découvre la fumée noire qui se dégage de l'usine de produits chimiques Lubrizol. Quinze jours plus tard, l'équipe de la revue Z investit Rouen pour y mener l'enquête pendant six semaines, tournant autour de l'usine, scrutant les réactions des politiques, se mêlant aux ronds-points occupés par les gilets jaunes, bref, sillonnant la ville de la prison aux terrains vagues. Le dernier numéro de cette revue annuelle itinérante d'enquête et de critique sociale raconte comment les «gens du voyage» finissent assignés aux zones toxiques, ou comment s'est fabriquée «l'impunité industrielle». On trouve un certain écho avec les polémiques actuelles autour des masques en lisant une enquête sur la manière dont le doute est soigneusement entretenu, la toxicité des 10 000 tonnes de produits chimiques consumés par l'incendie restant à prouver, malgré les 479 fiches de sécurité qui les indiquent comme cancérogènes, mutagènes et autre. Des méthodes d'évaluation qui «ne servent à rien», selon une ingénieure spécialiste de l'évaluation environnementale, puisqu'«elles consistent à croiser de manière hasardeuse des paramètres aussi incertains les uns que les autres».