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Bibook : la révolution numérique du livre en Afrique

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Questions à... Luke Tamou Koné, "We're solution", Cheick Mohamed Camara, "Culture en partage" et Jean-Louis Sagot-Duvauroux, conseil éditorial.
Rencontre entre l'équipe Bibook et Kamissa Camara, ministre malienne de l'Economie numérique. De gauche à droite : Luke Tamou Koné, Alladji Ismaïl Sy, Cheick Mohammed Camara, Mme Kamissa Camara
publié le 7 juin 2020 à 10h19

Qu’est-ce que le projet Bibook ?

BiBook est un éditeur numérique africain basé sur une application conçue et développée par une jeune équipe d’informaticiens bamakois, la startup We’re solution. Cette application est née de la rencontre entre ces accrocs du numérique et le réseau Culture en partage. Les deux structures sont désormais réunies dans un même lieu de la capitale malienne, vaste villa crânement baptisée La Maison des solutions. Comédiens, écrivains, plasticiens, musiciens, vidéastes, graphistes, ingénieurs informatiques, très majoritairement des moins de trente ans, y ont établi une féconde cohabitation. Au-delà de sa fonction d’éditeur – sélection, publication, diffusion de textes –, BiBook compte s’élargir à un rôle de librairie numérique au service de l’édition africaine et extra-africaine. L’application proposera ainsi un choix de livres jusque dans la poche des abonnés, même quand la première librairie « physique » est à plusieurs centaines de kilomètres. Ce choix sera pensé pour être lisible par des aspirants lecteurs qu’une bibliothèque de milliers d’ouvrages rebuterait sans doute.

En quoi BiBook est-il révolutionnaire dans le monde de l’édition de l’Afrique de l’Ouest, tant dans la forme que dans le fond ?

Au-delà d’un taux d’alphabétisation qui progresse mais reste insuffisant, beaucoup d’obstacles freinent la généralisation de la lecture en Afrique. Pas ou peu de librairies. Livres trop chers pour les revenus locaux. Et pour un jeune, il est difficile de s’isoler des autres pour lire un livre sans être taxé d’individualisme suspect. BiBook débloque chacun de ces freins.Ses livres numériques sont à lire sur téléphone ou tablette, des «terminaux» répandus partout en Afrique.De nombreux titres sont gratuitement téléchargeables, les autres seront proposés au prix abordable de 2000 F CFA (3 €) payable grâce aux services de transfert d’argent de mobile à mobile, aujourd’hui généralisés. Cette proposition est également adaptée à l’engouement de la jeunesse africaine pour l’usage du téléphone comme support d’information. Restait une inconnue : cette offre de livres numériques rencontrerait-elle l’appétit du public ? Première réponse : 5000 livres téléchargés durant les deux premiers mois d’expérimentation.

BiBook révolutionne aussi la condition des auteurs. L’étroitesse du marché du livre se traduit par la quasi généralisation du compte d’auteur : c’est l’auteur qui doit financer les la publication de son ouvrage. Rédhibitoire pour beaucoup. Les plus chanceux se font éditer en Europe. Quelques-uns payent. Les autres rangent leurs manuscrits dans leurs placards. BiBook éditera à compte d’éditeur, avec des droits d’auteur versés au premier livre vendu. Il offrira aussi aux éditeurs-papier du continent l’occasion de donner une seconde vie à certains de leurs livres en les confiant, en version numérique, à la « librairie BiBook » avec une clef de répartition du produit des ventes conforme aux usages de la profession. Il y a tout à parier que le développement du goût et des habitudes de la lecture bénéficiera au bout du compte à l’ensemble de la filière : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques publiques, lecteurs… Un écosystème, qui se fait encore attendre, y trouvera sans doute de quoi mieux asseoir ses bases.

Quelle bibliothèque africaine offre Bibook ?

La prochaine pubiication de BiBook est symbolique. Il s'agit de la partie du Tarikh el-fettach consacrée à l'askia Mohammed. Ce Tarikh est un des plus riches parmi les milliers de « manuscrits de Tombouctou ». Mahmoud Kâti, son auteur, est un jurisconsulte soninké, ami et conseiller de l'askia Mohammed, un des souverains les plus influents de l'époque. La bibliothèque que proposera BiBook placera – place déjà – l'Afrique au centre : Afrique de l'antiquité, Afrique de la « négritude », diaspora africaine, Afrique d'aujourd'hui. Et elle ne s'interdit pas de proposer à ses abonnés les grandes œuvres d'Europe, d'Asie, des Amériques qui font la culture générale d'un humain du XXIesiècle. Ce focus africain n'est pas fait seulement pour les Africains. Il aide à penser le rééquilibrage dont notre monde a besoin. Le lecteur européen y découvrira des œuvres et un point de vue pour lui nouveaux. Le lecteur africain ne sera pas contraint à décentrer son imaginaire pour constituer sa bibliothèque.

Et BiBook vit comment ?

BiBook est d’abord l’enfant d’engagements personnels. L’application a été développée en investissement-travail. Désormais, quelques soutiens institutionnels commencent à s’y intéresser. Mais le secret de la « bonne gouvernance » est sans doute dans l’autonomie de gestion des acteurs engagés. C’est la raison pour laquelle, dans cette phase de décollage mise en danger par la crise sanitaire, BiBook a fait appel à l’engagement de la société civile avec un appel au partage de l’information et au soutien financier, en attendant que les ressources proprement commerciales suffisent à assurer la pérennité de la cause qu’elle défend.

L’application BiBook est gratuitement téléchargeable sur Google play store pour les téléphones et tablettes sous android. La version IOS (iphones, ipad) est en développement.

Le tutoriel imaginé par les jeunes promoteurs de BiBook :

Pour apporter son soutien à BiBook ; cliquer ici

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