Ils ont rougeoyé à la lumière des fumigènes des gilets jaunes. Puis ils ont été radicalement désertés à l'heure du grand confinement. A chaque fois, filmés sur les téléphones des manifestants ou par les drones des chaînes télévisées, ils ont fasciné, ils ont été scrutés, comme le symbole qu'ils sont en France et à l'étranger. L'historienne des mouvements sociaux, Ludivine Bantigny retrace le «roman» des Champs-Elysées, qui incarne si bien le pouvoir et ses oppositions. Saisie par les manifestations des gilets jaunes, la chercheuse, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'université de Rouen, a choisi d'aller inspecter les coulisses de cette avenue qui met en scène le spectacle de la richesse et de la domination. Son livre, illustré, la Plus Belle Avenue du monde (éd. la Découverte), nous offre l'occasion de déambuler du Fouquet's de Sarkozy aux arrières-salles des palaces.
Pourquoi les Champs-Elysées n’ont pas attendu le mouvement des gilets jaunes pour être un espace très politisé ?
Ouverte par décret de Louis XIV en 1667, cette voie royale qui va du palais du Louvre en direction de Versailles est déjà une métaphore de la puissance. Cela n’échappera pas aux révolutionnaires en 1789 qui ont emprunté cet axe pour marcher sur Versailles. Cet enjeu de pouvoir sera aussi investi par les ennemis en temps de guerre, comme l’armée allemande en 1940. Il fallait occuper cet espace pour mieux réaffirmer une domination. Ce qui est plus surprenant, c’est que ce lieu de pouvoir et de domination a toujours été aussi celui d’un brassage social intense. Les aristocrates et même