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Blog «Coulisses de Bruxelles»

Israël divise l'Union

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Dès qu’il est question d’Israël, les Européens marchent sur des œufs tant la Shoah pèse sur les relations avec l’État hébreu. Mais si on y ajoute la relation transatlantique, l’Union est aussi paralysée qu’un lapin pris dans les phares d’une voiture : « Israël plus les États-Unis, ça fait beaucoup pour l’Union », résume un diplomate européen de haut rang. Or, ce cauchemar diplomatique s’est concrétisé en janvierlorsque Donald Trump a annoncé son « deal du siècle », en fait son soutien à la volon
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publié le 22 juin 2020 à 17h57

Dès qu'il est question d'Israël, les Européens marchent sur des œufs tant la Shoah pèse sur les relations avec l'État hébreu. Mais si on y ajoute la relation transatlantique, l'Union est aussi paralysée qu'un lapin pris dans les phares d'une voiture : « Israël plus les États-Unis, ça fait beaucoup pour l'Union », résume un diplomate européen de haut rang. Or, ce cauchemar diplomatique s'est concrétisé en janvierlorsque Donald Trump a annoncé son « deal du siècle », en fait son soutien à la volonté du Likoud de dépecer la Cisjordanie, une violation incontestable du droit international.

Vienne et Budapest alignés sur Jérusalem

Maintenir l’unité des Vingt-sept, ce qui n’a jamais été chose aisée, est donc devenue une mission quasiment impossible : ainsi, l’Autriche et la Hongrie considèrent que le gouvernement israélien est dans son droit tandis que la Pologne et les autres pays de l’Est, obnubilés par la menace russe, ne veulent en aucun cas prendre le risque de distendre le lien transatlantique. Or la politique étrangère de l’Union se décidant à l’unanimité des États membres, il faut pour parvenir à tenir tout ce beau monde ensemble trouver des compromis qui ne sont jamais marqués au coin du courage politique. Selon toute vraisemblance, ce sera à nouveau le cas avec l’annexion des territoires utiles de la Cisjordanie.

« Lorsque la Russie a annexé la Crimée, les Européens ont été particulièrement fermes. Il faut dire que Washington était sur la même ligne », rappelle un diplomate européen. « Mais avec Israël, on peut oublier une position aussi dure », alors même que l'Union a des moyens réels de pression, puisqu'elle est sa première partenaire commerciale. Déjà, Vienne et Budapest ne veulent pas faire pression en amont, même s'ils continuent à se dire attachés aux résolutions de l'ONU d'une solution à deux États : « laissons les choses évoluer font-ils valoir, ce n'est pas la peine de réagir maintenant », rapporte un ambassadeur d'un grand pays. Mais, et c'est une première, l'Allemagne, qui va présider l'Union à compter du 1er juillet, se situe désormais dans le camp français et italien, alors que jusque-là elle prêchait la retenue. Mal accueilli à Jérusalem le 10 juin, le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas n'a pas hésité à faire part de la « sérieuse inquiétude » de Berlin : toute « démarche unilatérale » porterait « un très grand potentiel d'escalade ».

Occasion manquée

Même si les Vingt-sept parviennent à condamner un dépeçage de la Cisjordanie, cela n'ira pas plus loin : les sanctions, en imaginant qu'elles soient efficaces, exigent aussi l'unanimité… En revanche, il est possible de frapper Israël au portefeuille et là le Parlement européen aurait pu jouer un rôle déterminant. Ainsi, les groupes socialistes, vert et gauche radicale ont proposé, jeudi 18 juin, que la ratification de l'accord dit de « ciel ouvert » liant l'Union à Israël dans le domaine aérien soit gelé : « il ne s'agissait pas de le bloquer, puisqu'il s'applique déjà provisoirement, mais d'envoyer un signal politique », explique Raphaël Glucksmann, eurodéputé Place publique. Les conservateurs du PPE étant opposés par principe à des sanctions contre Israël, c'est le groupe « Renew », où siège LREM, qui pouvait faire la décision : mais, en dehors des eurodéputés En Marche, les libéraux ont joint leurs voix à celle du PPE et le Parlement a finalement voté en faveur de la ratification de l'accord. Une belle occasion manquée : un report aurait ouvert la porte à d'autres rétorsions financières ne nécessitant pas l'unanimité, comme le gel de la participation d'Israël à plusieurs programmes européens, dont la recherche. Désormais, Jérusalem sait qu'elle joue sur du velours…

Photo: MENAHEM KAHANA / AFP