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Blog «Humeurs noires»

Tessae : "Les profs ne me croyaient pas et pourtant j'étais harcelée" 1/2

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L'artiste révélée par Booba et le réseau social Tik Tok sort son premier EP "Printemps" chez Wagram Music. Dans sa tribune, la chanteuse de 18 ans délivre un témoignage accablant sur le harcèlement scolaire, et sur sa pratique artistique comme mode d'exutoire.
Tessae, 18 ans, chanteuse pop urbaine / Photo © Frankie Allio
publié le 22 juin 2020 à 4h17
(mis à jour le 4 juillet 2020 à 19h37)

Tribune par Tessae

«J'étais celle qui ne portait pas de marques, celle qui ne se maquillait et ne se coiffait pas»

Dès la primaire j’ai baigné dans une ambiance malsaine amicalement parlant, je m’entourais de personnes qui n’étaient pas bonnes pour moi, juste pour éviter d’être seule. Je n’arrivais pas à faire la différence entre les personnes qui restaient avec moi parce qu’ils ou elles m’aimaient bien et celles qui restaient avec moi juste par pitié et pour s’amuser de mon mal-être.

J’ai eu droit à des actes qu’on peut qualifier comme étant du harcèlement, comme le fait de m’enfermer dans les toilettes et de m’espionner en groupe, comme le fait de me jeter au sol et me donner des coups pour s’amuser, en sachant que je ne riposterai pas. Comme ces commentaires sur mon physique à répétition, qui font que finalement je me suis construis une image négative de moi-même, et que j’ai faussé la façon dont les autres devaient agir avec moi.

Au collège les remarques sur le physique ont empiré. J'étais celle qui ne portait pas de marques, celle qui ne se maquillait et ne se coiffait pas. Celle qui ne s'épilait pas et donc, qui s'attirait les foudres des personnes « hypes » du collège. C'étaient les « hypes », les « populaires » de l'école mais il y avait aussi des personnes lambda avec qui je m'étais liée d'amitié. Leurs motivations ? j'en avais honnêtement aucune idée, probablement l'ennui et l'amusement d'avoir du pouvoir sur quelqu'un quand on est jeune. Mentalement j'étais toujours très gamine et rêveuse et ça plaisait pas vraiment. Alors certains élèves s'amusaient à faire des remarques comme quoi eux gardaient les pieds sur terre, eux pensaient normalement à l'inverse de moi.

«Des faux comptes étaient créés pour me demander de me suicider»

En 5eme je commençais à développer une phobie scolaire suite à la leucémie de ma maman. Honnêtement au collège ça a été bien encadré, les profs me comprenaient, les élèves pour certains essayaient de m’aider. C’est au lycée que j’ai eu beaucoup plus de mal. L’année de 5eme je l’ai passée à rater beaucoup de cours mais j’ai fini par remonter la pente en 4eme. Fin 3eme j’ai commencé à être cyberharcelée en plus de ce que je vivais au collège. Des faux comptes étaient créés pour me demander de me suicider en espérant que je ne rate pas ça. Des filles venaient en groupe sous mes posts pour m’insulter. Ces gens étaient de simples rencontres sur Twitter, pas du tout des gens que je connaissais des cours. En cours justement, un jour j’ai subi une « humiliation » du moins c’est comme cela que j’ai vécu la chose.

Une fille est venue mal me parler devant toutes les filles qui étaient présentes dans les toilettes, en sachant que c’était une fille qui me faisait assez peur au vu de son caractère. Ce jour-là, j’ai refait une crise de panique, je n’en avais plus fait depuis plus d’un an et pour le coup ça a marqué le début d’une très mauvaise période pour moi. L’été qui a suivi, je me suis beaucoup renfermée sur moi-même, je n’avais pas de contact extérieur. Tous mes amis que ce soit d’internet ou des cours bah n’étaient plus là ! J’ai commence à me sentir très seule et à développer une dépression.

Arrivée au lycée, j’avais pour le coup une très mauvaise image de moi, que ce soit mentale ou physique Et comme je l’imaginais et l’appréhendais depuis deux mois, la phobie scolaire a refait surface mais de manière plus intense. Le lycée, je pense que ça à été la période où j’ai réalisé comment j’avais été traitée les années précédentes et à la place de me tirer vers le haut, je me suis tirée vers le bas.

«la musique a été très importante dans ma vie»

J’ai fait la rencontre d’un garçon qui fut mon meilleur ami pendant 3/4 mois. Il était très toxique pour moi, il m’a tiré encore plus vers le bas, m’a donné des envies suicidaires, m’a privé de ma relation avec ma soeur pendant ces 3/4 mois. À ce moment-là, la musique a été très importante dans ma vie. j’ai commencé mes compositions en mode sérieux, je cherchais des idées de projets à sortir sur les plateformes etc...

Dans mon lycée il y avait deux ateliers musique auxquels j'étais inscrite. Chaque semestre on faisait un petit concert devant les élèves et les professeurs du lycée. Pour moi c'était du coup, de plus en plus compliqué d'assister à même pas 20 minutes de cours mais monter sur scène me demandait aucun effort. Certains professeurs et le proviseur ont commencé à se poser des questions, pour finalement penser que tout ça avait été du cinéma. Les profs ne me croyaient pas et pourtant j'étais harcelée. Mon proviseur était tombé sur mon compte Instagram où je postais mes covers (mes reprises ndlr) et il était même allé jusqu'à faire une réflexion à ma mère en disant que je n'avais pas l'air si triste et mal quand je postais des covers sur les réseaux.

«J’ai décidé de me déscolariser»

Une professeure m’avait aussi fait une réflexion sur mon absence dans ses cours devant d’autres professeurs qui sur le coup, après une crise de panique, m’a mis dans un mauvais état. Cette prof était totalement au courant de mon état, sans oublier qu’à l’époque, j’avais un suivi psy donc des certificats d’un psychologue et d’un psychiatre à l’appui. Je me sentais très à l’écart des autres personnes de mon âge, dans ma classe et surtout pas la bienvenue dans le cadre scolaire de cet établissement. Je voyais très bien que je n’étais pas prise au sérieux par certains et qu’ils commençaient à être agacés par ma condition.

Avec tout ça, ma phobie scolaire a pris de plus en plus d’ampleur jusqu’à en devenir sociale. Sortir de chez moi était devenu impossible, prendre les transports seule impossible également. J’ai décidé de me déscolariser, de passer mon bac de français en candidat libre avec le CNED pour finalement arrêter un mois avant le Bac.

Tessae, Printemps (EP), © GTWD / Belem Music / Wagram Music