C’est une affirmation qu’on peut retrouver sous diverses formes, que ce soit dans les textes religieux ou au cœur des engagements politiques et moraux des individus : qui sauve une vie sauve l’humanité toute entière. Dès lors, la valeur de la vie est par nature inestimable et la question d’un éventuel prix paraît hors de propos. Il suffit pourtant, comme le fait Ariel Colonomos, directeur de recherche au Centre de recherches internationales, dans son essai
Un prix à la vie,
d’observer comment s’organisent les décisions politiques, notamment au niveau des Etats, pour constater la portée bien réelle de cette valorisation. L’objectif est alors celui de la «juste mesure», où les vies ne sauraient être bradées pour la poursuite d’intérêts stratégiques. Mais ce prix à la vie est aussi la première étape d’une réflexion plus large qui s’aventure dans le temps et dans l’espace, où
«la valeur que nous attribuons aux autres est une indication de notre propre identité collective»
.
Vous affirmez que la vie humaine a un prix, une équivalence matérielle. Comment passer outre l’aspect contre-intuitif, choquant, de cette affirmation ?
Quand on établit pareil constat, la réaction qu’on provoque, c’est en effet soit la surprise, soit l’indignation. Du point de vue de la morale, cette affirmation est effectivement problématique. Une vie, si elle était plus chère serait donc plus importante qu’une autre ? Cette notion renvoie aussi à des expériences douloureuses et tragiques comme l’esclavage. Elle existe également dans d’autres débats, que ce soit en bioéthique ou à propos de la prostitution avec le commerce des corps. Ces débats