Si j’ai bien compris, les écologistes ont fait un tabac aux municipales à la tête de coalitions de gauche et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils soient à l’aise dans des coalitions, puisque les Verts ont longtemps donné l’impression d’en être une à eux tout seuls. Pour l’instant, ils se tiennent très bien, ils et elles ont de bonnes têtes et encore rien entrepris qui puisse susciter la moindre opposition. Les électeurs ont fait le tri mais espérons que tout ça ne finira pas dans les poubelles de l’histoire et du nouveau monde démocratique, comme ces tentatives de recyclage des marcheurs dans des alliances originales. Un certain nombre de responsables politiques d’envergure municipale ont été biodégradés et on imagine la rage de ceux qui sont verts pour ne pas l’avoir été suffisamment. C’est une triste fin politique pour Gérard Collomb d’être dévoré par les Verts de son vivant. Au demeurant, avec l’abstention, faut-il voir les Verts à moitié pleins ou les Verts à moitié vides ? (Le temps où on contestait la légitimité d’Emmanuel Macron à cause d’une trop faible participation n’a pas survécu à la soirée électorale, mais ce ne sont pas d’autres raisons qui manquent.)
Et si ça marchait ? Si on voyait des villes où des gens resplendissants de santé se promenaient joyeusement dans des jardins luxuriants pendant que les enfants épanouis jouent dans les parcs, tandis que, dans d’autres métropoles conservées par des ennemis de la planète, des êtres masqués, d’une blancheur que nul ne leur envie, noyés dans le brouillard des particules fines, toussant et crachotant sur leurs enfants malingres à moitié nus se battant sur le bitume, n’en finiront pas de s’empoisonner dans des encombrements records ? Si l’ambition était de devenir un réfugié climatique dans la bonne commune ? «Ce n’est pas de ma faute si tous ces cons ont voté comme il ne fallait pas, moi j’ai fait ce que je devais.» Dans ces nouveaux paradis, les bobos cool seront enfin les dignes petits-enfants des babas des années 70. Les abstentionnistes sont-ils tous des climatosceptiques ? N’y aurait-il pas en fait le feu au lac ? Il y a tous ceux qui se tâtent. «Oui, je comprends bien qu’il y a urgence. Mais il faudrait savoir avec les experts, soudainement ils auraient raison ?» Sans compter tous les allergiques qui craignent peut-être que les Verts ne les assassinent à coups de pollens.
La victoire ne fait cependant pas que des heureux chez les heureux vainqueurs. On nous expliquait qu’il y avait compétition pour la candidature à la présidentielle entre Yannick Jadot et son score des européennes, et Eric Piolle qui avait empoché la mairie de Grenoble. Mais maintenant, la course a pris une autre allure, parce que le chef-lieu de l’Isère et 13,5 %, tout à coup, ça en impose moins. Et si, par exemple, la France entière intéressait les maires de Lyon, Bordeaux ou Strasbourg ? Et puis, en dix-huit mois, on a le temps de leur mettre des carottes dans les roues, maintenant que tous les partis se réclament de leur propre label vert pour retirer aux Verts l’herbe sous les pieds. Mais les électeurs ont montré une fois de plus qu’ils préféraient l’original à la copie, comme on disait quand la droite tentait de singer le Front national. D’autant que, si j’ai bien compris, il y a aussi dans le vote écologiste une ambition protestataire, contre tous ces gouvernements d’incapables : puisque c’est comme ça, pourquoi ne pas s’intéresser à la planète, après tout ?