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interview

Camille Froidevaux-Metterie: «Les seins des femmes, dans toute leur diversité et leur beauté, ont été niés et invisibilisés»

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Maternels, érotisés, banalisés… Les femmes ont un rapport très différent à leurs seins, constate dans son dernier ouvrage la philosophe féministe. Loin des fantasmes, elle souligne leur importance dans un mouvement de réappropriation des corps.
(Illustration Beya Rebaï)
publié le 10 juillet 2020 à 17h11

Le sein naissant, sexualisant, maternant, vieillissant ou même absent. La philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique et chargée de mission égalité-diversité à l’université de Reims Champagne-Ardenne, déroule dans son essai

Seins, en quête d’une libération

le fil de l’existence des femmes au prisme de leur poitrine. Les témoignages d’une quarantaine d’entre elles âgées de 5 à 76 ans, accompagnés de portraits, rendent compte en miroir de la multiplicité des expériences vécues et de la diversité de leurs formes, bien loin des innombrables fantasmes et injonctions. Des vécus tous reliés par la dialectique aliénation-libération. Grand oublié des luttes féministes, cet organe féminin reprend ici sa place dans le mouvement actuel de réappropriation des corps dans ses dimensions les plus intimes.

Alors que le corps est au centre des combats féministes actuels, les seins y sont plutôt en retrait ?

Il faut se rappeler qu'après avoir été dans les années 70 au cœur de tous les combats, le corps des femmes a ensuite quasiment disparu du champ féministe. Avec la conquête des droits contraceptifs, principale revendication de la deuxième vague, les femmes sont enfin devenues des individus de droits comme les autres et ont pu investir massivement la sphère sociale. Les questions corporelles ont alors été recouvertes par d'autres combats, l'égalité salariale par exemple. Tout s'est un peu passé comme si les femmes avaient dû payer leur émancipation du prix de l'oubli des conditions incarnées de leur existence. Quand je publie la Révolution du