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Libération
Chronique «Si j'ai bien compris»

Eh bien la voilà, la dream team

Chronique «Si j'ai bien compris…»dossier
Ouf, le ciel se dégage et le moral des ménages va regonfler les voiles, c’était pas plus difficile que ça. Avec un gouvernement pareil, nos ennuis sont derrière nous
publié le 10 juillet 2020 à 17h11

Si j’ai bien compris, c’est souvent comme ça : on a beau savoir que nos ministres sont des généralistes du bien public, ça fait quand même bizarre de les voir changer de spécialité aussi rapidement, comme si on allait voir son ophtalmo et qu’il vous disait : «Mais enfin, monsieur Lambert, je suis proctologue maintenant, déshabillez-vous.» On doit constater aussi que, de même que les écologistes n’ont pas le monopole du vert, la droite n’a pas le monopole de la droite, contrairement à la gauche qui avait peut-être le monopole de la gauche mais dont on ne sait pas où elle l’a mise depuis le dernier quinquennat. Et puis il est difficile de reprocher à Emmanuel Macron que les stupéfiants changements n’apparaissent pas immédiatement : c’est le propre du «en même temps» qu’on ne puisse pas opposer radicalement avant et après. D’ailleurs, on ne s’attend pas à la révolution pour son allocution du 14 Juillet : il pourrait retrouver un petit côté pépère, comme son prédécesseur, mais un pépère du nouveau monde, le pépère 2.0. Quant à François de Rugy, toute présomption d’innocence mise à part, en regardant où en est Gérald Darmanin, il doit s’étonner d’un monde où les homards sont mieux protégés que les femmes. D’un autre côté, l’ancien président de l’Assemblée nationale n’a jamais nié avoir dévoré ce dîner. Mais aucun homard n’a porté plainte, passer à la casserole dans une partouze culinaire leur a cloué le bec.

Ce n'est pas non plus par hasard qu'on a fait entrer «Acquittator» au gouvernement. Eric Dupond-Moretti va avoir du pain sur la planche. Il n'est plus avocat, mais il n'a pas fini de plaider. Il est quand même là pour faire acquitter à la fois la justice, qui part avec un dossier en béton contre elle ; toute cette bande de collègues qui ne peuvent pas se prétendre innocents comme le gouvernement qui vient de naître avec sa feuille de vigne déjà défraîchie ; et surtout, le président de la République qui a des doutes sur son boulot de dans deux ans. On a mis Hercule pour lutter tout seul contre les magistrats, valeureux combattants à qui la guerre aurait été déclarée. On va la leur flanquer dans les dents, l'indépendance de la justice, voilà que les petits pois prennent les armes, c'est le Bounty et ses révoltés en plein dans le palais. Belle promotion pour Eric Dupond-Moretti, ce sont maintenant la NSA américaine et les services chinois qui écouteront son téléphone. Et puis quelle émotion, quelle jouissance ce doit être, quand on a bataillé des décennies contre les juges, de se retrouver soudain là. Peut-être que, après tout, les magistrats savent de quoi ils parlent quand ils assurent que les hostilités ont été engagées.

Roselyne Bachelot a déclaré qu’elle serait «la ministre des artistes et des territoires». Olivier Véran sera-t-il aussi le ministre de la Santé des Territoires, Bruno Le Maire celui de la Relance et des Territoires, Barbara Pompili celle de la Transition écologique et des Territoires ? Ça semble la meilleure façon d’étendre le territoire de son portefeuille que de lui adjoindre «les territoires» - et c’est manifestement ce qu’on n’a pas su faire sous les divers gouvernements d’Edouard Philippe où on avait abandonné les territoires en friche, aux confins. Alors que c’est ça, le nouveau cœur de la politique macronienne : avec les territoires, on ira loin sans laisser personne sur le côté. Si j’ai bien compris, si tous les bons vieux territoires se donnent la main, il n’y a qu’à traverser la rue pour être réélu.