Il est seul, assis dans la pénombre, face à son destin. A la lueur d’une unique lampe, dans le silence de sa chambre, au milieu du décor désuet d’un hôtel bordelais, il écrit. Il vient d’apprendre que le président de la République a nommé Philippe Pétain président du Conseil ; Pétain veut traiter avec Hitler, de Gaulle veut continuer le combat. Le Général sait qu’il n’a rien à faire dans un gouvernement dirigé par le maréchal. Il termine sa lettre, la glisse dans une enveloppe et la fait porter.
Au soir du 16 juin, de Gaulle a décidé de rompre. Non, il n’obéira pas au nouveau pouvoir. Non, il ne se rangera pas à cette prudence déshonorante qui conduit à l’armistice et à la soumission à l’envahisseur. Non, il n’acceptera pas de cesser le combat et passera en Angleterre pour appeler à la lutte au côté de Churchill. Il a passé sa vie dans la discipline militaire ; il se change en rebelle, en fugitif, bientôt en hors-la-loi.
Ainsi s’achève l’une des plus folles journées de l’histoire de France. On célèbre rituellement le 18 juin. Mais le grand basculement a eu lieu le 16, quand le gouvernement français, accablé par le désastre militaire, a cédé aux circonstances. Il s’en est fallu de peu et le sort a hésité jusque tard dans l’après-midi. C’est au terme de rebondissements extraordinaires que «l’étrange défaite», morale autant que politique, s’est imposée.
Les Anglais rembarquent
Le pathétique héros de cette journée est un petit homme à la grande intelligence, l'œil vif et légèrement bridé, le nez pointu, l