Signataires :
Christine Beauchemin-Flot, Directrice-programmatrice, cinéma le Select à Antony, Martin Bidou Gérant-programmateur Haut et Court Cinémas (le Louxor et le Nouvel Odéon à Paris, le Sémaphore à Nîmes, le Forum et l'Astrée à Chambéry), Jérémy Breta Gérant-programmateur American Cosmograph à Toulouse, Paul-Marie Claret Gérant des cinémas Méliès à Saint-Etienne, Sylvain Clochard Gérant-programmateur, le Concorde à Nantes, Frédérique Duperret Cogérante, cinéma Comoedia à Lyon, Julie Laurent Directrice d'exploitation des Ecrans de Paris (Arlequin, Escurial, Majestic Bastille, Majestic Passy, Reflet Médicis), Stéphane Libs Gérant-programmateur des cinémas Star à Strasbourg, Olivia Reggiani Programmatrice Ermitage et Cinéparadis à Fontainebleau, le Méliès à Nemours et les Enfants du paradis à Chartres, Pascal Robin Directeur-programmateur Cinéma les 400 Coups à Châtellerault, Boris Thomas Directeur-programmateur Ciné Saint-Leu à Amiens, programmateur cinéma Orson-Welles à Amiens, Caroline Tronquoy Directrice-programmatrice cinéma François-Truffaut à Chilly-Mazarin et les membres du conseil d'administration du Syndicat des cinémas d'art, de répertoire et d'essai (Scare).
Tribune. Plus de 1 000 cinémas indépendants irriguent le territoire et réalisent chaque année plus de 40 % des entrées nationales, soit, en 2019, près de 90 millions d'entrées.
Au-delà des chiffres, nos salles sont implantées au cœur des grands centres-villes, dans les villes moyennes et petites et sont parfois le seul lieu culturel du territoire.
Elles proposent une programmation de qualité au public et sont indispensables à la découverte des talents qui deviennent ensuite les auteurs mondialement reconnus. Mais surtout, l'animation, les débats, les venues de réalisateurs qu'elles proposent chaque semaine favorisent non seulement le lien social, mais constituent le poumon de l'activité sociale et économique de tout un quartier, voire d'une ville.
Ouverts 7 jours sur 7, de 9 heures à minuit, nos cinémas permettent à de nombreux secteurs d'activité de bénéficier par ruissellement du dynamisme de notre engagement : nos prestataires directs, agences de communication, traiteurs, graphistes, professions précaires de la culture, auteurs, intermittents ; mais aussi le tissu associatif local et les commerces de proximité : bars, cafés, restaurants, boulangeries, tout un florilège de commerçants s'est installé près de nos établissements et dépend en grande partie de nos publics.
Nous souhaitons, par cette démarche, les soutenir. Ils sont aujourd'hui 2,5 millions à connaître la discontinuité de l'emploi du fait de cette crise.
Nous rappelons que les cinémas indépendants sont l'un des maillons indispensables d'une industrie cinématographique, qui participe à l'économie nationale à hauteur de 15 milliards d'euros et responsable de 125 000 emplois (16 000 pour l'exploitation sans recours à l'intermittence, malgré la saisonnalité de son marché). Ils renforcent ainsi d'autres secteurs tout en contribuant par le paiement de différents impôts et taxes au budget national.
La fermeture de plusieurs mois de nos établissements, au-delà du manque à gagner qu'ont connu tous les commerces, a largement bouleversé les rouages essentiels et vertueux de «l'exception culturelle française», coordonnés par le Centre national de la cinématographie (CNC).
Le CNC, qui collecte et redistribue la taxe prélevée sur les entrées des salles de cinéma (TSA) et sur les services de télé et vidéo (TST), fait aujourd'hui automatiquement face à une baisse vertigineuse de ses recettes et ne pourra donc pas assurer normalement sa mission auprès de l'ensemble des professions du cinéma.
Nous demandons avant tout à l'Etat de, non seulement combler ce manque à gagner indispensable à la poursuite de nos activités, mais appelons à un renforcement des finances du CNC afin d'envisager la relance économique de notre industrie.
En effet, celle-ci repose sur un modèle redistributif vertueux d'épargne qui alimente les investissements de chaque profession tout en soutenant les plus audacieux.
Ce renforcement est indispensable pour réamorcer notre mission sur nos territoires en 2021 et les années à venir et être à nouveau en mesure d'organiser la collecte de TSA nécessaire au maintien de l'exception culturelle française dans le domaine du cinéma.
Nous rappelons qu'entre 2011 et 2014, l'Etat a prélevé 372 millions d'euros sur les réserves du CNC, qui aujourd'hui font défaut.
Nous appelons également à une coordination des différentes collectivités (région, département, communauté de communes, ville) afin que l'ensemble des salles puissent bénéficier d'aides économiques les mieux-disantes.
Nos salles s'acquittant aussi d'une mission indispensable à tous : l'éducation à l'image, qui pour certaines, représente une part importante de leur activité avec des salariés dédiés.
Nous déplorons les entrées scolaires non réalisées entre mars et juillet, et l'incertitude qui pèse sur la fréquentation de nos salles à la rentrée.
Nous appelons à un plan de relance massif sectoriel afin que nos établissements, déjà dangereusement fragilisés avant la crise, évitent à tout prix des dépôts de bilan.
Les effets d'une fermeture de plus de deux mois et la faiblesse des entrées depuis la réouverture alors que nous devons rembourser les emprunts, payer les salaires, les charges et l'ensemble des reports se feront sentir pendant de longs mois ; la situation est particulièrement inquiétante et nécessite des mesures fortes et urgentes.
Nous comptons sur le nouveau gouvernement et en particulier madame Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, et M. Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances, pour assurer le maintien des cinémas indépendants, vecteurs de lien social auprès des citoyens et garants de la diversité et ainsi réaffirmer la souveraineté culturelle.