Le dernier ouvrage de Jean-Luc Nancy, la Peau fragile du monde (Galilée, 2020), est un essai incroyablement poétique, au ton presque prophétique. Le philosophe s'interroge sur notre présent, sur le moment que nous vivons : «Ni la fin du monde, ni le début d'un autre, ni la suite de l'histoire - mais une extrême fragilité. Ça peut casser, ça peut tenir, ça demande précaution», écrit-il. Dès l'ouverture, nous sommes plongés dans ce temps fragile, presque palpable, que nous reconnaissons bien. «Si nous sommes aujourd'hui inquiets, égarés et perturbés comme nous le sommes, c'est parce que nous étions habitués à ce que l'ici et maintenant se perpétuent en évacuant tout ailleurs, et notre futur était déjà là, déjà fait, tout de maîtrise et de prospérité», analyse-t-il. Les certitudes du progrès ont fait place aux incertitudes des crises, là naissent la réflexion et la prise de conscience de notre fragilité.
D’où vient ce projet de livre qui résonne si fort aujourd'hui en pleine crise sanitaire ?
Tout cela date de bien avant le Covid-19. Je voulais écrire sur cette société de plus en plus dépendante de la technique et qui en même temps se rend bien compte que cette technique n’a plus aucune finalité. Pendant longtemps, nous avons pensé que cette technique devait nous assurer le progrès et notamment en matière de santé.
Je voulais également écrire sur ce sentiment, qui je crois nous étreint tous, depuis plus ou moins longtemps, je veux parler de cette grande incertitude sur notre avenir qui recoupe bien sûr la question écologique qui est de plus