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Libération
TRIBUNE

«Par respect pour le combat de Gisèle Halimi, je n’entends pas me résigner»

L'avocate de Jacqueline Sauvage, Nathalie Tomasini, salue une figure majeure de l'avancée du droit des femmes.
Gisèle Halimi, lors d'un meeting du Mouvement de libération des femmes, après le procès de Bobigny, en 1972. (FRILET/SIPA/Photo Alain Frilet. Sipa)
par Nathalie Tomasini, avocate
publié le 29 juillet 2020 à 13h07

Tribune. Plus que jamais, je salue cette grande dame qu'était Gisèle Halimi. Elle a été et reste pour moi mon modèle. Sur mon bureau, un projet de courrier à son intention qui restera vain…

Je souhaitais ardemment rencontrer cette avocate engagée, cette députée qui a grandement contribué à défendre la cause des femmes. En 1971, elle signera le «Manifeste des 343 salopes» qui déclarent avoir avorté et réclament le libre accès aux moyens contraceptifs et à l'avortement. C'est elle qui fondera le mouvement féministe «choisir la cause des femmes» et c'est à travers sa stratégie de défense médiatisée lors du «Procès de Bobigny» où elle défend deux jeunes femmes victimes d'un viol collectif, qu'elle contribuera à l'adoption de nouvelles lois, l'une définissant plus précisément le viol et l'attentat à la pudeur, l'autre consacrant le droit à l'avortement.

Cinquante ans plus tard, j'ai tenté aussi à travers les affaires d'Alexandra Lange et de Jacqueline Sauvage (1), procès volontairement médiatisés, de porter la cause des victimes de violences conjugales. De ces cas particuliers de femmes violentées pendant des années, j'ai souhaité (avec ma consœur Janine Bonaggiunta) interpeller la société sur l'abandon et l'omerta qui pèsent sur les victimes de violences intrafamiliales, lesquelles n'ont parfois d'autre choix que de tuer pour ne pas mourir.

Modifier les textes

Comme l’a fait Gisèle Halimi dans le procès de Bobigny, plaidant contre le viol et pour le droit à l’avortement (ce dernier étant interdit en France à l’époque), j’ai souhaité plaider la légitime défense dans le cadre de l’affaire Jacqueline Sauvage. C’était une défense de rupture, une volonté d’éveiller les consciences afin de modifier les textes de lois obsolètes, rédigés par des hommes et pour des hommes.

N’oublions pas qu’historiquement, la définition de la légitime défense trouvait sa justification dans le cadre de rixes entre deux hommes de corpulences et de tailles similaires, le rapport violent entre un homme dominant et sa compagne en étant très éloigné…

Grande claque

Comme l'avait fait en son temps Gisèle Halimi, qui a porté son combat sur le plan politique, j'ai de même tenté à travers le parti «A VOIX EGALES» aux européennes de porter l'idée d'un nouveau concept de société dont le fondement serait l'équilibre des droits femmes-hommes et nécessairement la lutte contre toutes violences faites aux femmes sur le plan privé et professionnel.

Aussi, tout comme mon modèle, Gisèle Halimi, surnommée l'avocate irrespectueuse, qui écrivait en 2009 : «Ne vous résignez jamais», je souhaiterais souligner le symbole de sa disparition avec celui de l'enterrement de ce que l'on a appelé la grande cause nationale du quinquennat, à savoir la lutte contre les violences faites aux femmes.

Les nominations au gouvernement d'Eric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin constituent une grande claque pour toutes les combattantes en faveur des droits des femmes. Par respect pour son combat et celui de nos aînées, je n'entends pas me résigner.

(1) On a appris ce mercredi la mort de Jacqueline Sauvage, à 72 ans. Elle avait été libérée au lendemain de son 69e anniversaire.