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Libération
TRIBUNE

Les mineurs isolés du square Jules-Ferry à Paris doivent être hébergés

Depuis un mois, une centaine de jeunes migrants campent dans le parc du XIe arrondissement de la capitale. Les pouvoirs publics doivent trouver une solution d’urgence pour loger et protéger ces personnes vulnérables.
Dans le square Jules-Ferry à Paris, le 29 juin. (Photo Olivier Roller pour Libération)
par Olivier Cousi, bâtonnier de Paris et Nathalie Roret, vice-bâtonnière de Paris
publié le 31 juillet 2020 à 12h03

Tribune. Alors qu'en 2016, dans ses observations finales remises à la France, le comité des droits de l'enfant des Nations Unies s'était dit préoccupé par «la situation des enfants migrants non accompagnés qui ne peuvent bénéficier ni d'une protection spéciale ni de mesures d'assistance dans l'Etat partie», une centaine de mineurs isolés étrangers (MIE) campent depuis un mois dans le square Jules-Ferry du XIarrondissement de Paris, soutenus par cinq associations dont Médecins sans frontières, le Comede et Utopia 56, afin de dénoncer leurs conditions d'accueil indignes et contraires aux droits de l'enfant.

Aujourd’hui encore, en violation des engagements pris par la France dans le domaine de la protection de l’enfance, des centaines de mineurs passent plusieurs mois à la rue, totalement privés des droits reconnus par la Convention internationale des droits de l’enfant que la France a ratifiée. Cette situation humainement insupportable est juridiquement inadmissible.

Les changements climatiques, les inégalités économiques, les guerres et les conflits ont entraîné ces dernières années une augmentation des migrations d’enfants venant principalement du Mali, de Guinée, de Côte-d’Ivoire, d’Afghanistan, du Soudan et plus récemment du Bangladesh où le dérèglement climatique et les inondations ravagent le pays.

Tortures ou maltraitances

Ces enfants ont dû fuir leur pays et ont subi pendant leur parcours migratoire de nombreux traumatismes : 87% des jeunes interrogés par l’équipe du pôle infirmier de MSF déclarent avoir été victimes de violences, tortures ou maltraitances.

Lorsque ces jeunes arrivent en France et s'ils souhaitent bénéficier d'une prise en charge par la protection de l'enfance, ils doivent prouver leur minorité aux autorités dans le cadre d'un entretien d'évaluation aux résultats aléatoires et dans des conditions qui ont fait l'objet de nombreuses critiques, en dernier lieu celles exprimées par le Défenseur des droits dans sa décision du 16 juillet.

En cas de rejet de leur demande de protection, ces jeunes sans référents parentaux ont le droit à un recours devant le juge des enfants et doivent être traités comme des enfants pendant toute la durée de cette procédure, conformément aux décisions du comité des droits de l’enfant et de la Cour européenne des droits de l’homme.

Exploitation

Or, en France, et pendant tout le temps que dure cette procédure, à savoir plusieurs mois, ces enfants extrêmement vulnérables sont laissés à la rue, en errance, sans hébergement, sans suivi éducatif, ni médical, et exposés à toutes formes d’exploitations.

En théorie, ils pourraient bénéficier d’une mesure de placement provisoire en attendant le résultat des analyses de leurs documents d’état civil ou celui de l’expertise d’âge physiologique. Cependant, en pratique, peu d’entre eux sont protégés tant qu’il n’est pas prouvé que leurs documents d’état civil sont authentiques ou que leur âge physiologique correspond à l’âge allégué.

Ces jeunes doivent attendre en première instance de trois à neuf mois. S’ils interjettent appel de la décision négative du juge des enfants, leur attente est prolongée d’une durée de six à douze mois et s’ils deviennent majeurs entre-temps, leur appel deviendra «sans objet».

Pourtant, dans la majorité des cas ils seront reconnus mineurs à l’issue de la procédure. A titre d’exemple, 55% des jeunes suivis dans le programme MSF ont été reconnus mineurs.

Solution d’hébergement

Le 30 juin, constatant depuis plusieurs années ces manquements répétés à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, le barreau de Paris, vigie de la protection des plus vulnérables, a saisi le comité des droits de l’enfant des Nations unies dans le cadre de l’examen périodique de la France afin que les autorités françaises soient interrogées sur cette situation indigne.

Tous les mineurs isolés étrangers du square Jules-Ferry ont saisi le juge des enfants et nombre d’entre eux sont assistés par des avocat·e·s membres de l’antenne des mineurs du barreau de Paris.

Il est inacceptable que ces jeunes soient contraints de dormir à la rue en attendant que l’autorité judiciaire examine leur recours.

Le barreau de Paris, dont l’une des missions est de s’assurer du respect des droits de chacun et plus particulièrement des plus vulnérables, demande instamment aux pouvoirs publics de se mobiliser et de trouver une solution d’hébergement et de protection agréée au titre de la protection de l’enfance à la fois pour les jeunes du square Jules-Ferry mais aussi pour tous les mineurs isolés étrangers, jusqu’à ce que les juges compétents se soient prononcés sur leurs recours.