Le cliché est conservé dans les archives de René Allio, à l'abbaye d'Ardenne, à Caen. La photographie en noir et blanc date de l'été 1975, elle montre le philosophe Michel Foucault dialoguant en pleine campagne normande avec un jeune paysan comme sorti du passé. Le garçon est couvert d'une casquette de toile, il est vêtu de gros draps rustiques, il ne porte pas la combinaison bleue des employés agricoles d'alors. Il ressemble à la description d'un de ces jeunes gens qui peuplaient la France rurale en 1830. Je n'en crois pas mes yeux, Foucault au milieu des années 70 a rencontré dans le bocage normand celui sur lequel il avait travaillé quelques années plus tôt, «le parricide aux yeux roux», Pierre Rivière.
En juin 1835, à Aunay-sur-Odon, le fils des époux Rivière qui, par suite de querelle domestique, vivaient séparés, vint à tuer sa mère, enceinte de sept mois, son frère et sa sœur qui vivaient avec elle, pour que son père ne soit plus l'«objet de tracasseries continuelles». Dans cette boîte d'archives, il y a aussi un autre cliché, cette fois, le professeur du Collège de France n'a plus son célèbre col roulé et sa veste à larges revers, il porte le costume d'un juge des années 1830, ce juge qui a condamné Pierre Rivière. La tête me tourne. Le Foucault que nous lisons depuis que je suis étudiant est un homme du début du XIXe siècle. Le Foucault qui a publié à la suite d'un séminaire d'études sur l'histoire des rapports entre la psychiatrie et la