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Faites entrer le chercheur (5/14)

Le gendarme Tizané et l’ensorcelée de Frontenay

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Que s’est-il passé en 1943 dans cette maison des Deux-Sèvres où l’on a vu des objets bouger ? Spécialiste de ces phénomènes, un gendarme mène une enquête qui en dit long sur l’état d’esprit de la population sous l’Occupation.
Emile Tizané, en 1977.  (Photo Charles Courrière. "Paris Match". La Scoop )
par Philippe Baudouin, philosophe, réalisateur radio et enseignant à Paris-Saclay
publié le 6 août 2020 à 18h01

Melle, dans les Deux-Sèvres, 26 novembre 1943. Le gendarme Tizané presse le pas. L'un de ses chefs l'attend. Quelques heures plus tôt, il a été tiré de son sommeil par un appel : des événements étranges se répètent depuis quelques jours dans la maison de la famille Auché, située à Frontenay-Rohan-Rohan. Le grand-père, propriétaire des lieux, a vu «un petit fourneau à charbon se déplacer vers le centre de la cuisine où il fut renversé», le «marbre de la table de nuit» venir «se casser à terre», et son manteau «se promener» dans la maison pour retomber ensuite à proximité du lit. Lui, qui n'a «jamais lu de livre de magie», est pourtant certain que son habitation est envoûtée. Certains gendarmes envoyés sur les lieux ont même été les témoins directs des phénomènes. Les locataires réclament la venue de Tizané. Et pour cause : le capitaine jouit parmi ses camarades d'une réputation de fin limier qui dépasse les simples limites du département des Deux-Sèvres. Lui, qui accumulera près de 300 dossiers concernant des affaires de «maisons hantées», sait parfaitement reconnaître ce type de «cas», ce qui lui a valu les propos élogieux du médecin Alexis Carrel et de l'écrivain Maurice Maeterlinck, tous deux prix Nobel. Or, pour observer de telles manifestations, le capitaine sait qu'il faut faire preuve de réactivité. Le poltergeist, aussi appelé «esprit frappeur», n'attend pas. Récemment promu officier, et donc très