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Faites entrer la chercheuse (9/14)

Faux cadavre et gros héritage

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En pleine période de guerres de religions, Marie Garrigues simule l’enterrement de sa fille pour hériter de son riche mari. Ce crime, qui évoque l’affaire Martin Guerre, est sévèrement puni : et si la coupable se jouait au passage des rites catholiques ?
"Enfant couché dans le berceau" de Lavinia Fontana (1552-1614), collection Bianchetti.   (Photo Polo Museale Emilia Romagna)
par Caroline Callard, historienne, directrice d’études à l’EHESS
publié le 12 août 2020 à 17h56

Meurtres, affaires de mœurs… Les faits divers passionnent aussi les universitaires et les intellectuels, parce qu'ils en disent long sur l'état d'esprit d'une société. Pourquoi Duras a-t-elle écrit sur l'affaire Grégory ? Pourquoi l'affaire Seznec passionne-t-elle encore ? Quel lien entre l'affaire des époux Bac et le Planning familial ?

"Les choses qui sont les plus couvertes et les plus cachées aux hommes sont celles qui sont les plus claires et les plus apparentes devant la face du Créateur, qui ne permet point que les crimes ne se découvrent à la confusion des méchants et à la consolation des bons." C'est en ces termes édifiants que le chroniqueur officiel de la ville de Toulouse introduit le récit d'une troublante affaire advenue au cours de l'année 1576.

Ce coup du sort s’avoue un coup monté

Par une pâle journée d’hiver, Marie Garrigues, jeune veuve d’un riche artisan de la ville, annonce la mort de sa fillette âgée de 3 ans, Gauside, malade depuis quelque temps déjà. Le voisinage est assemblé pour veiller la jeune morte, dont le corps est déposé dans un coffre de sapin et couvert d’un linceul d’où seules dépassent de petites chausses d’enfant. La mère, éplorée, organise de belles funérailles à la basilique Saint-Sernin où Gauside est enterrée près du grand autel, proche donc du tombeau de saint Saturnin et de ses reliques, auxquelles on prête des vertus psychopompes. Dans l’église vénérable, illuminée de bougies pour l’occasion, une messe haute est célébré