Vient de sortir Female Monarchs and Merchant Queens in Africa écrit par l'historienne Nwando Achebe (Michigan State University). Publié par Ohio University Press il y a quelques semaines en plein mouvement de #BlackLivesMatter, ce livre est un vrai travail de compilation au service d'un objectif de vulgarisation. L'histoire de nombreuses femmes africaines devient aujourd'hui beaucoup plus accessible.
Le monde spirituel est très présent dans le livre d'Achebe. Son livre prend en compte la cosmologie des différentes régions africaines qu'elle aborde. Sans jamais dissocier entièrement le visible de l'invisible, elle entend reconnecter les deux facettes d'un seul et même monde. C'est ainsi que le premier chapitre se penche sur les intermédiaires entre les forces de ces deux mondes en détaillant le rôle joué par des femmes comme les reines de la pluie ou Modjadji en Afrique du Sud. En cela, le livre se place directement dans la lignée des travaux qui font des croyances des faits historiques concrets qu'il convient d'étudier.
Les reines ont longtemps accaparé l'attention des historien.ne.s voulant montrer le rôle que certaines femmes pouvaient jouer dans leur société. Pour remplacer l'histoire des grands hommes, certains pays africains nouvellement indépendants ont mis en avant l'histoire tout aussi élitiste des grandes femmes. C'est cette façon de lire l'histoire que Nwando Achebe reprend dans son deuxième chapitre sur les reines Nefertiti d'Egypte et Amina du pays hausa au Nigeria.
Achebe ne se confine pas à ces personnages d'exception. Elle étudie aussi les femmes commerçantes et entrepreneurs dans son troisième chapitre. À la différence des chapitres précédents, Achebe entend revenir sur le rôle de groupes de femmes au lieu des individus. Elle évoque ainsi le pouvoir commercial des signares du Sénégal ou des iyaloja du pays yoruba au Nigeria. Son propos reste identique à ceux des chapitres précédents. Les femmes africaines n'ont jamais été des victimes passives de quoi ou qui ce soit. Elles ont toujours détenu du pouvoir, de l'influence et une forme d'autorité.
La différence entre sexe biologique et genre est aussi très présente dans le livre d'Achebe. Elle étudie ainsi dans son quatrième chapitre ces dirigeants qui sont nées biologiquement femmes mais à qui on assigne le genre d'homme quand elles atteignent une position de pouvoir. Elle se penche sur Hatchepsout d'Egypte qui s'habillait et régnait comme un pharaon ou encore Wangu wa Makeri du Gĩkũyũland, chef pendant la période coloniale au Kenya. Achebe reprend ainsi les idees d'Ifi Amadiume qui avait déconstruit les notions occidentales de genre dans son livre intitulé Male Daughters, Female Husbands: Gender and Sex in an African Society en 1987.
Son livre se termine par un chapitre sur l'indépendance des femmes africaines depuis la fin de la période coloniale. C'est tout d'abord leur travail politique qu'Achebe détaille. Leur rôle religieux et économique est aussi mis en valeur afin de rappeler que de nombreuses femmes africaines jouent un rôle concret dans les différentes sociétés dominées par les hommes dans lesquelles elles vivent. Quelque part ce chapitre cherche à dresser un portrait dynamique de femmes africaines souvent représentées comme des victimes passives du système patriarcal.
Le grand écart chronologique et géographique est entièrement assumé par l'autrice qui parle de l'Afrique de manière très générale dans son livre. Les exemples vont du Madagascar précolonial à l'Egypte pharaonique. Les lecteurs plus familiers avec l'Afrique anglophone retrouveront des histoires de femmes connues mais dont la vie a été retracée dans nombre de publications plus ou moins accessibles. Comme toujours dans ce genre d'ouvrage, on pourra toujours dire qu'il existe un grand nombre de simplifications essentialistes, mais l'objectif est bien de vulgariser la recherche sur les femmes africaines.
Ceci explique pourquoi Achebe insiste sur la vision du monde des Africains de manière très générale. Son but n'est pas de la comparer à quelle qu'autre partie du monde que ce soit l'Asie, l'Europe ou les Etats-Unis où elle travaille. Immanquablement, son propos est de parler des femmes africaines en utilisant des voix de femmes africaines. Ceci est sans doute la force principale du livre.
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