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Libération
Interview

«La sacralité qui entoure "Charlie" est à l’inverse de son identité»

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Attentats de «Charlie Hebdo» et de l’Hyper Cacher : un procès hors normedossier
Soulignant que l’hebdomadaire n’a jamais cherché à faire consensus, Alexis Lévrier, historien du journalisme, espère que le procès qui s’ouvre ce mercredi permettra de rappeler l’importance du droit au blasphème.
A Marseille le 7 janvier 2015. (Photo Patrick Gherdoussi)
publié le 1er septembre 2020 à 20h11

Spécialiste de l'histoire du journalisme, Alexis Lévrier décrypte quelques aspects du procès de l'attentat contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher qui s'ouvre ce mercredi.

Quels pourraient être les bénéfices du procès de l’attentat contre Charlie Hebdo pour la liberté de la presse ?

J'espère que le procès permettra de rappeler qu'il faut défendre la liberté de la presse et ne pas renoncer à critiquer les religions. Le risque, dans le cas contraire, serait de permettre le triomphe posthume des frères Kouachi. Car j'ai vraiment le sentiment que depuis cinq ans, derrière les affirmations de façade au moment de chaque anniversaire de l'attentat, il y a un recul progressif de la liberté d'expression. Même si nous commémorons régulièrement «l'esprit Charlie», tout se passe comme si nous avions collectivement renoncé à défendre le droit au blasphème. Au nom du respect des croyants, on ne s'autorise plus à critiquer les religions. C'est un renoncement extrêmement grave, qui vient du fait que l'on confond nécessaire protection des communautés et possibilité de critiquer leurs convictions.

Sur quels éléments vous appuyez-vous pour faire ce constat ?

La rédaction de Charlie Hebdo essaie de rester fidèle à son histoire, et c'est tout à son honneur. Le choix de republier cette semaine les caricatures de Mahomet est ainsi un pied de nez à ses détracteurs, mais surtout la preuve que ce journal n'a pas renoncé au blasphème. Cela étant, il faut imaginer à quel point défendre presque seuls cet héritage peut être usant pour ces dessinateurs, qui vivent constamment sous la menace. Souvenons-nous du «numéro des survivants» publié après le ma