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Interview

Pascal Dibie : «Comment toute une partie de l’humanité accepte-t-elle de passer ses journées assise sur une chaise de bureau ?»

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Le confinement a montré combien le bureau, par son absence, hante nos existences. Dans une brève histoire de l’objet et du lieu, l’ethnologue montre que la position assise pour travailler est douloureuse et loin d’être universelle. Alors on se lève ?
(Dessin Xavier Lissillour)
publié le 11 septembre 2020 à 17h11

Alors que la rentrée nous fait renouer, plus ou moins selon la cartographie du Covid-19, avec la vie de bureau, l'ethnologue Pascal Dibie publie une enquête à la fois sémantique, historique et politique, sur ce qui occupe une bonne partie de notre existence. Dans Ethnologie du bureau, brève histoire d'une humanité assise» (Métailié), il se demande comment d'Homo sapiens nous sommes devenus des Homo sedens. Comment a-t-on convaincu une si grande partie de la population occidentale à rester enchaîné à une table ? Aucun aspect n'échappe à l'ethnologue, que ce soit le lieu de l'écriture, le meuble, la pièce, le bâtiment, l'administration, le système bureaucratique, l'histoire, l'architecture… A l'heure où le télétravail s'est imposé à certains pour des raisons sanitaires, cet examen passionnant ferait-il office de nécrologie ?

Après une Ethnologie de la chambre à coucher en 1987, et une Ethnologie de la porte en 2012, pourquoi le bureau ?

Je travaille depuis longtemps sur la banalité du quotidien, et ce sujet s’est tout naturellement imposé à moi il y a cinq ans, en constatant qu’il n’y avait jamais eu de travail d’ensemble : il y avait des études sur l’administration, sur la bureaucratie ou sur l’écriture, mais jamais sur ce qui relie tous ces sujets. Et il n’y a rien de plus banal que cette table à laquelle nous sommes enchaînés toute la journée. De plus, mon père était fonctionnaire, son bureau a gouverné longtemps notre vie familiale. C’était l’homme sérieux de la maison parce qu’il allait au bureau. Plus généralement, je pense que le bureau fait partie de nos