Il était une fois un empereur qui aimait par-dessus tout être bien vêtu. Deux escrocs promirent de lui tisser la plus belle des étoffes, qui aurait la particularité d'être invisible pour les sots. Ni les ministres ni sa majesté n'osèrent avouer que lorsque l'œuvre fut terminée, leurs yeux ne voyaient rien. Dans les rues, le peuple s'extasiait au passage de l'empereur, vantant tantôt les motifs, tantôt les couleurs de sa parure. Jusqu'à ce qu'un enfant ne s'exclame : «Mais il n'a pas d'habit du tout !» La foule se fit rapidement l'écho de cette vérité que nul n'avait osée dire haut et fort. Il fallut l'ingénuité d'un enfant pour que la norme soit renversée.
Ce célèbre conte d’Andersen hante encore les historiens, sociologues, psychologues et politologues d’aujourd’hui. Comment un tel basculement survient-il, dans le monde réel ? Pourquoi certaines révolutions adviennent et d’autres pas ? Pourquoi suffit-il parfois d’une voix pour que des milliers d’autres s’élèvent ? La question semble se poser en de nouveaux termes, à l’ère des réseaux sociaux. Dans le sillage des mouvements #MeToo et Black Lives Matter, plusieurs chercheurs américains ont tenté dans des ouvrages récents d’analyser comment ces mobilisations sont passées d’un remous parmi tant d’autres, à une vague qui a déferlé dans le monde entier.
La mesure du pouvoir de la télévision
Pour aller à rebours du conte, dépouillé de tout ancrage dans l'espace et dans le temps, le professeur de droit Ray Brescia s'attelle à relire les grands changements socia