Une décision curieuse. Car Michel aurait pu décider de basculer en visioconférence. Avant même sa quarantaine, plusieurs pays s'étaient demandé pourquoi il fallait se revoir physiquement alors que la pandémie de coronavirus n'est toujours pas terminée et que les visioconférences organisées entre mars en juillet ont montré qu'il était possible de progresser dès lors que les sujets à l'ordre du jour avaient été bien préparés par les Représentants permanents des États membres.
Ce n'est évidemment pas l'avis de l'entourage de Charles Michel qui estime qu'un sujet comme la Turquie nécessite une rencontre physique, d'autant que Chypre a pris en otage la semaine dernière le dossier biélorusse afin d'obtenir des sanctions contre Ankara qui multiplie les provocations en Méditerranée orientale. « C'est vrai, mais le dossier est quasiment résolu », nous confie un diplomate peu convaincu par l'explication.
Ego
Surtout, Michel aurait pu demander à la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil des ministres, de le remplacer aux pieds levés. Dans l'entourage de Charles Michel, on estime qu'il n'était pas « inapte » à présider, mais seulement en quarantaine et donc qu'il ne pouvait pas confier la présidence à quelqu'un d'autre. Là, on a vraiment du mal à voir la différence. « Il ne faut pas chercher très loin : en réalité, il ne voulait pas laisser la place à la chancelière qui aurait pu se prévaloir d'un succès sur la Biélorussie et la Turquie », confie, agacé, un diplomate européen. En clair, ce sommet et son déplacement d'une semaine doit tout à l'égo de Charles Michel et rien à la nécessité. D'autant qu'un nouveau Conseil est prévu dans quinze jours…
Plusieurs capitales n'ont guère apprécié ce report, car modifier les agendas de vingt-sept chefs d'État et de gouvernement avec une semaine de préavis n'est pas des plus simples. D'autant que le sommet s'étale sur deux jours, ce qui reste surprenant en ces temps de pandémie : « si ça ne tenait qu'à nous, réplique-t-on dans l'entourage de Charles Michel, on aurait pu tout faire tenir sur une journée en commençant tôt jeudi matin. Mais le Néerlandais Mark Rutte et Angela Merkel doivent aller devant leur Parlement le matin du Conseil pour expliquer ce qu'ils vont faire. Donc on n'a pas le choix : on ne peut se réunir qu'en milieu d'après-midi et tout le monde doit dormir à Bruxelles ». Afin de limiter les risques, les délégations nationales seront limitées, comme en juillet, à 7 personnes et le conseil se déroulera dans une salle qui peut contenir 335 personnes en présence des seuls chefs accompagnés d'un conseiller afin de maintenir les distances physiques.