Pour rassurer ceux qui ont peur, la géographie peut-elle donner des ailes? Le dernier bilan épidémiologique de Santé publique France qui cartographie les clusters voudrait bien apporter des réponses. Mais Michèle Legeas de l'Ecole des hautes études de santé publique, temporise: «Pour l'instant, on se base sur des études réalisées à l'étranger. Avions, restaurants… Certaines pointent des lieux ou situations à risque, mais ce ne sont que des hypothèses, on n'a toujours pas de réelle certitude» (1).
Comme il est très compliqué de faire intégrer les mesures de distanciation, Santé publique France traque les informations sur les lieux de transmission. Les entreprises sont les premières dans le classement des clusters (24,9%), loin devant les universités (19,5%) dont le chiffre est sans doute à mettre en relation avec les vacances des étudiants (l'enquête a été réalisée entre le 9 mai et le 28 septembre 2020). Le cercle familial et amical arrivant en 3e position.
Questions de méthode: «Quand on détecte cinq élèves touchés dans une école, cela ne dit pas comment et où ils ont attrapé le virus. A l'école? Ailleurs?» se demande Michèle Legeas (1). D'autres biais comme la systématisation ou non des tests de dépistage. Une grande variable à l'échelle du territoire, voire des villes ou même des quartiers.
Comment identifier les lieux d'infection en dehors des clusters? Pourquoi Santé publique France n'a pas lancé des chercheurs qui auraient comparé des communes de même taille mais avec des types de commerce différents, se demande Mircea Sofonea (université de Montpellier) (1). On a de très beaux cas de communes équipées très différemment. Libération avait enquêté sur ces différences entre deux villes distantes de vingt kilomètres à population équivalente, l'une possédant une grande surface, l'autre non. Que n'enquête-t-on pas là?
Olivier Véran s’appuie sur une étude… américaine
Selon Michèle Legeas, il faudrait s’intéresser à nos codes sociaux. L’absence de contact dans les salutations au Japon est-elle un facteur réduisant la propagation du virus? Dans quelle proportion? Quelle est l’étude américaine qui a poussé le ministre de la santé, Olivier Véran, à fermer les bars et les bistrots? Alors que les entreprises semblent les lieux les plus propices? L’étude de Santé publique France est-elle bien faite? Exhaustive? Pourquoi ne sont-ils pas dans le classement? Et s’ils le sont, le sont-ils dans l’item «Entreprises privées et publiques»?
Un bel exemple de travail bâclé qui n’apporte rien de sérieux pour aider à répondre à la seule question de géographie: «Où»?
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(1) Le Parisien, 8/10/2020
Sur les «rassuristes», voir Libération, 5 octobre 2020
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