Les déversements bilieux des haters sur les réseaux sociaux seraient une des meilleures illustrations du ressentiment. Cette pulsion qui ne débouche sur aucun projet politique ni sur aucun acte démocratique n’est qu’un auto-empoisonnement de l’individu, mais aussi de la société tout entière, selon la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury, dans son dernier ouvrage Ci-gît l’amer : guérir du ressentiment (Gallimard). Professeure titulaire de la chaire humanités et santé au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire de philosophie au Groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences, elle est aussi une observatrice privilégiée du système de santé en cette période de crise sanitaire. Elle livre ici un nouvel opus de son enquête au long cours sur les «pathologies de la démocratie».
En quoi le ressentiment, qui touche à la fois les hommes et les sociétés, est-il caractéristique de notre époque ?
Le ressentiment est symptomatique de l'homme, il renvoie à des lois psychiques. Il peut être plus ou moins accentué, renforcé par des conditions extérieures plus objectives, comme celles d'une insécurisation économique, sociale, culturelle, qui vont venir renforcer cette pulsion. La période que nous traversons comporte des conditions objectives de renforcement de cette pulsion. Le déclassement des sociétés occidentales, le ressenti d'un déclassement des classes moyennes et populaires semblent validés par des crises du logement, du pouvoir d'achat, du chômage, par une marchandisation de la société, qui donne un sentiment de réduction, de