Menu
Libération
TRIBUNE

Pour une politique agricole de rupture

La future réforme de la Politique agricole commune (PAC) doit dépasser les seules préoccupations économiques et permettre de développer des initiatives locales, d'intégrer les citoyens-consommateurs pour accéder à une alimentation diversifiée et de qualité.
Dans la Ferme ouverte à Saint-Denis, le 8 juillet, lieu historique de production maraîchère de la plaine des Vertus, qui a peu à peu perdu du terrain face à l’urbanisation. (Photo Franck Juéry pour Libération)
publié le 16 octobre 2020 à 10h57

Tribune. Aujourd'hui, la Politique agricole commune (PAC) soutient le producteur mais ignore le consommateur en déconnectant l'agriculture de l'alimentation. En tant qu'étudiant·e·s et jeunes diplômé·e·s en agronomie, nous sommes convaincu·e·s que la future réforme de la PAC doit se penser au niveau des territoires, intégrer le citoyen-consommateur et dépasser les seules préoccupations économiques. Pour peser dans la prise de décision, nous prônons la convergence de collectifs diversifiés qui associent largement la société civile. C'est pourquoi nous soutenons le mouvement «Notre assiette pour demain», qui promeut le progrès social et l'agroécologie au sein de la prochaine PAC entrant en application fin 2021.

Favoriser l’équité et le maintien de l’emploi

Les gains de productivité du travail réalisés durant la seconde moitié du XXe siècle ont contribué à la disparition de près de 1,2 million d'exploitations agricoles de 1970 à aujourd'hui (1). La raison ? Une croyance aveugle dans les économies d'échelles, l'efficacité de la substitution capital-travail, et l'inépuisabilité des ressources. Cela a conduit à̀ la destruction d'emplois et rend les agriculteurs vulnérables face aux effets du changement climatique. La réponse ne viendra pas seulement de la technologie, de la génétique et de la chimie mais bien d'une refonte de notre modèle agricole. Plutôt que subventionner la rente foncière et l'investissement, soutenons le travail afin de favoriser l'équité, le maintien de l'emploi agricole et non d'encourager l'agrandissement et l'industrialisation des structures agricoles.

La PAC doit permettre de développer des initiatives locales, de rapprocher l’agriculture des consommateurs et de permettre à tous les citoyens d’accéder à une alimentation diversifiée et de qualité. Aujourd’hui, la PAC ressemble davantage à un catalogue complexe de mesures indépendantes, plutôt qu’à un ensemble cohérent où l’on accompagne l’agriculteur vers un changement de modèle. Cela ne permet pas non plus aux élus locaux d’en saisir pleinement les enjeux, complique son enseignement et crée une réelle opacité aux yeux du citoyen-consommateur.

La future PAC, qui s’appliquera de 2021 à 2027, est en cours de négociation au niveau européen. Dans le cadre du Plan stratégique national où chaque Etat membre liste ses priorités et propositions, les citoyens sont amenés à se prononcer. Le débat public «ImPACtons» mobilisant la société civile se déroule jusqu’au 28 octobre 2020 partout en France et permet d’intégrer les propositions citoyennes.

Des dégâts socio-environnementaux criants

Nous arrivons donc à un constat : la première politique de l’Union européenne nous emmène droit dans le mur à coup de dizaines de milliards d’euros. Les outils sont inopérants, les décisions technocratiques et les dégâts socio-environnementaux criants ! Il nous faut remettre complètement à plat cette politique agricole, repartir au fondement de l’agriculture que l’on souhaite pour les prochaines années et relancer un contrat de société ambitieux autour de notre alimentation.

Dans ce projet collectif, nous, Agros, avons une place particulière. Nous serons ingénieur·e·s agronomes, ingénieur·e·s agricoles, ingénieur·e·s agroalimentaires, ingénieur.e.s du vivant. Nous allons œuvrer au cœur de ces problèmes.

Impliquons-nous dans l’éducation populaire pour donner la possibilité aux citoyens de s’emparer des questions agricoles et alimentaires. Faisons émerger des espaces de discussion permettant cette appropriation, alertons les citoyens sur l’importance de cette renégociation.

Ayons le courage d’assumer cette responsabilité sociétale. Ayons le courage de nous engager.

(1) Desriers, M. 2007 ; Insee, 2020.

Vous souhaitez écrire pour Libération ? Envoyer vos propositions de textes à idees@liberation.fr