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Blog «Coulisses de Bruxelles»

Le coronavirus aura-t-il la peau de Strasbourg?

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Le Parlement européen n’est donc pas retourné siéger à Strasbourg lors de sa seconde session plénière d’octobre (du 19 au 22) après sept mois d’absence, en dépit des pressions françaises. Mais continuer à boycotter la capitale alsacienne à cause de la situation épidémique sur place devient difficile à justifier dès lors que les indicateurs s’améliorent alors que Bruxelles est en zone d’alerte maximale. Un porte-parole du social-démocrate italien David Sassoli, président du Parlement, l’a reconnu
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publié le 20 octobre 2020 à 19h43

Le Parlement européen n’est donc pas retourné siéger à Strasbourg lors de sa seconde session plénière d’octobre (du 19 au 22) après sept mois d’absence, en dépit des pressions françaises. Mais continuer à boycotter la capitale alsacienne à cause de la situation épidémique sur place devient difficile à justifier dès lors que les indicateurs s’améliorent alors que Bruxelles est en zone d’alerte maximale. Un porte-parole du social-démocrate italien David Sassoli, président du Parlement, l’a reconnu la semaine dernière : «Nous sommes prêts à aller à Strasbourg», car «la situation [sanitaire] est bonne». Les anti-Strasbourg ont donc dû mettre les formes: la session sera en grande partie «virtuelle», seuls quelques eurodéputés étant autorisés à siéger dans l’hémicycle. Le politiquement sanitaire est sauf.

Bruxelles, zone rouge

Certes, le Parlement européen a été la première institution à prendre au sérieux la pandémie de coronavirus en décidant, dès février, de généraliser le travail à distance et de ne plus se rendre à Strasbourg, son siège officiel, alors que les traités européens prévoient que douze sessions par an doivent s’y tenir (le reste du temps, le Parlement est à Bruxelles). L’argument sanitaire était fondé, puisque déplacer près de 2 500 personnes une fois par mois est dangereux en soi. Mais il a rencontré la volonté maintes fois affirmée par les quatre cinquièmes des eurodéputés de disposer d’un siège unique à Bruxelles. Sauf que depuis février, le virus s’est largement propagé dans l’Union, ce qui a affaibli l’argument sanitaire d’autant que, depuis septembre, les sessions physiques ont repris...à Bruxelles, les anti-Strasbourg invoquant la situation sanitaire en Alsace.

Les pro-Bruxelles ont aussi pu compter sur le soutien (involontaire ?) des autorités belges. Durant l’été, elles ont en effet placé petit à petit toute la France en zone rouge, ce qui impliquait pour ceux qui s’y rendaient de respecter à leur retour une quatorzaine en isolement… Un argument en or pour maintenir les sessions plénières à Bruxelles. Mais, il y a trois semaines , la Belgique a réduit la quarantaine à sept jours et elle est devenue seulement «recommandée». Surtout, la dégradation de la situation sanitaire dans le royaume s’est considérablement dégradée.

Prétextes politiques

Emmanuel Macron a donc décidé de sortir du bois le 23 septembre dans une lettre particulièrement ferme envoyée à David Sassoli et dont le contenu a été révélé par les Dernières nouvelles d'Alsace : «La situation [sanitaire] est certes difficile, mais elle l'est tout autant à Bruxelles qu'à Strasbourg», souligne-t-il. Le locataire de l'Elysée affirme sa détermination à ne pas laisser «des prétextes politiques récupérer la crainte que soulève la pandémie pour mettre en cause ce symbole de l'unité retrouvée» qu'est Strasbourg. Le chef de l'Etat estime même nécessaire de «définir des mécanismes de compensation, qui pourraient par exemple prendre la forme d'un rallongement des sessions dans les prochains mois», celle-ci ayant été raccourcie d'un jour il y a plusieurs années et remplacées par des «mini-sessions» de deux jours à Bruxelles. Les travaux de la future conférence sur l'avenir de l'Europe pourraient aussi s'y tenir.

Si retour il y a un jour, le virus n’étant pas près de disparaitre, ce sera sous une forme allégée : les députés ne seront accompagnés que par un seul assistant parlementaire et la grande majorité des fonctionnaires continueront à télétravailler de chez eux comme ils le font depuis sept mois. Les pro-Strasbourg notent, eux, que le Parlement a fait la démonstration qu’il pouvait travailler à distance avec les autres institutions et que le siège de Bruxelles n’était au fond pas nécessaire: pourquoi ne pas transférer l’ensemble du Parlement dans la capitale alsacienne?

Photo Sébastien Bozon. AFP