Par Virginie Eudes, chroniqueuse culturelle
« Quand ma jupe est trop courte ou que mon voile est trop long. Quand ma tenue n'est pas républicaine. Je fais comment ? Je réponds quoi à ma fille ? ». Rokhaya Diallo et Blachette mettent en image et en définition un problème sociétal. Les comportements masculins qui invisibilisent les femmes. Un livre féministe me diriez-vous ? Non, juste un manuel adressé aussi bien aux hommes qu'aux femmes. Et pourquoi ne pas l'intégrer en cours d'éducation civique à l'école d'ailleurs, c'est bien au plus jeune âge où l'on apprend qu'il faut des règles pour vivre en société. L'humour et les saynètes donnent de la légèreté à un sujet capital pour la moitié de la population mondiale, car oui un être humain sur deux est une femme. Forte de cette constatation, pourquoi en 2020 est-il important de remettre à ce point les choses à leur place et les hommes en particulier ? Pas tous les hommes vous pourriez me répondre, oui mais ça aussi le livre en parle. Comme un arbre ne cache pas la forêt, les comportements déviants ne sont pas forcément légions. L'autrice explique les notions de mansplaining (quand un homme explique à une femme ce qu'elle sait déjà), manterrupting (quand un homme coupe systématiquement la parole à une femme) et manspreading (quand un homme prend ses aises dans les lieux publics).
Sans tout vous dévoiler, mais qu'est-ce que l'invisibilisation des femmes ? JP, personnage central de cet ouvrage vous l'expliquera peut-être mieux que moi…..Voici un exemple de la notion de base du Mansplaining/ Mecsplication. « Il s'agit par exemple d'un homme expliquant à une femme des choses concernant un domaine dont elle est experte ». La femme invisibilisée n'a pas la parole, n'a pas d'avis, la compétence. Mais comment la terre peut-elle tourner sur elle-même si un homme ne s'en occupe pas ? Pardon, il reste tout de même des compétences qui sont féminines : le ménage, les enfants. Désolée j'avais oublié que les hommes ne pouvaient pas faire la vaisselle car leurs pieds trop grands les éloignent de l'évier.
Cet ouvrage arrive à point nommé, dans un débat d’actualité sur la tenue républicaine de nos étudiantes, lycéennes, collégiennes, filles. Avez-vous vu les sondages sur ce que peuvent ou ne peuvent pas porter les jeunes filles ? Et Rokhaya Diallo répond : « Mon corps m’appartient ».Mais surtout de quoi je me mêle ? Sinon je milite pour que l’on interdise les bas de survêtements informes pour les jeunes hommes. Les caleçons qui disent bonjour au-dessus du pantalon. Et on en reparle de la mode des jeans slims, messieurs ? Je surenchéri, les agressions à caractères sexuelles et sexistes vis-à-vis des femmes est et a toujours été un problème d’Hommes. Finalement il y a beaucoup moins de débat que l’on veut nous faire croire. S’il y a un problème sur les tenues alors organisons les échanges au sein des classes, éduquons nos enfants dans la tolérance et le respect.
La bande dessinée questionne « la place de la femme dans l’espace public et dans la sphère privée » dans son introduction et tout au long de l’ouvrage. Elle distille quelques conseils non exhaustifs pour reprendre la main sur un sujet, la conversation, nos choix. Elle utilise l’humour mais aussi l’inclusion car ses personnages tentent d’être représentatif dans la diversité des origines et dans l’inclusion des porteurs de handicaps ou de la communauté LGBT. Le discours est fluide, simple sans être simpliste car il s’attaque avec douceur à des sujets de fond. Le plaisir est immense et donne envie de partager l’ouvrage au-delà des sororités, car il s’adresse aussi aux hommes qui souhaitent comprendre et faire avancer le sujet.
M'explique pas la vie, mec !, éd. Marabulles, textes signés Rokhaya Diallo et illustré par Blachette (édition Marabulles), sortie le 28 octobre 2020. Actuellement en précommande.