Depuis sa nomination, nous n’avons eu aucune communication publique de la part d’Elisabeth Moreno sur la question du travail sexuel. Or, avec l’annonce du couvre-feu et la préparation à un nouveau confinement qui sera probablement annoncé très prochainement, la question de la survie des travailleuses du sexe se pose à nouveau comme elle s’était posée au printemps dernier.
Le Média en a profité pour faire un article et interroger le cabinet de la ministre en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes. On y apprend plusieurs choses, mais rien de nouveau.
Avant de répondre à la question de la situation sanitaire et de précarité des travailleuses du sexe, le ministère tient à préciser avant tout qu’il refuse de parler de travailleuses du sexe au motif que «la prostitution n’est pas un travail». On peut se demander alors pourquoi les travailleurSEs du sexe sont condamnéEs pour «travail dissimulé» lorsque nous ne déclarons pas nos revenus.
On peut se demander aussi comment madame Schiappa avait pu répondre au printemps dernier qu’il était «très compliqué» d’aider les travailleuses du sexe mais que «les personnes qui exercent un métier sous le statut d’auto-entrepreneur sont indemnisées» afin de justifier son refus de créer un fonds d’urgence. Pour l’état, le travail sexuel n’est pas un travail, sauf donc quand il faut payer cotisations URSSAF et impôts, ou pour refuser d’indemniser.
Marlène Schiappa est sévèrement critiquée par les travailleuses du sexe pour son mauvais bilan
Le cabinet prétend ensuite que « les femmes en situation de prostitution, subissent à 95% la traite des êtres humains». On aimerait qu'il fournisse des données scientifiques pour appuyer une telle affirmation, surtout si le but est d'invalider et d'ignorer l'existence des travailleuses du sexe, de leurs organisations et revendications, quand bien même elles sont composées aussi en partie d'anciennes victimes de traite. On pourrait d'ailleurs aussi parler de l'échec des politiques contre la traite des êtres humains jamais remises en cause.
Le cabinet de madame Moreno tient cependant à nous rassurer sur le fait que les travailleuses du sexe seraient protégées par la police. Il affirme que:
« <i>Pour les femmes qui seraient en danger immédiat, les forces de l'ordre, sensibilisées, interviendront toujours, y compris entre 21h et 6h du matin. En pénalisant le client, et non la personne en situation de prostitution </i>»
Manifestement le gouvernement n’a aucune idée de ce qui se passe sur le terrain, puisque les travailleuses du sexe ne se sentent pas protégées par la présence policière quand celle-ci empêche de travailler en faisant peur aux clients. Au contraire, les violences ont augmenté depuis son application, et les travailleuses du sexe continuent d’être pénalisées par des amendes remises aux personnes bravant confinement ou couvre-feu. La police harcèle les migrantes par des contrôles au faciès réguliers avec risque de détention en centre de rétention et d’expulsion. La verbalisation des travailleuses du sexe reste bien plus fréquente dans de nombreuses villes que celle des clients à cause d’arrêtés municipaux et préfectoraux, et beaucoup sont encore condamnées pour proxénétisme pour le simple fait de partager une camionnette ou un studio entre collègues.
L’interview se poursuit annonçant que:
les travailleuses du sexe ne pourront pas non plus compter sur des aides du gouvernement pour payer les loyers, les charges ou leur nourriture. Quant aux maraudes des associations, « <i>elles pourront continuer, en journée. Aucun dispositif spécifique n'est prévu avec le couvre-feu</i> », a indiqué le ministère.
Les travailleurSEs du sexe n’ont donc, comme au printemps dernier, rien à attendre du cabinet en charge de leur «protection».