« Je suis un Bushinenge », c'est ainsi que se présente Yvano. Ce terme dérivé de l'anglais Bush Negroes, « les nègres de brousse » désigne l'ensemble des peuples descendants d'esclaves africains emmenés au Suriname pour travailler dans les plantations. Face à leur révolte, les planteurs et la colonie hollandaise ont dû dès le XVIIIe siècle, mettre en place des traités afin de reconnaître au peuple des Bushinenge leur liberté, leur territoire, leur organisation sociale et culturelle. Artiste, musicien, réalisateur et producteur indépendant, Yvano n'a cessé tout au long de sa carrière de préserver la culture traditionnelle que lui ont légué ses parents, héritage ancestral « menacé de disparition » sous le poids de la mondialisation. « Mon objectif est de préserver, diffuser et faire connaître au plus grand nombre ma culture, de poursuivre ainsi le travail qu'effectue déjà mon père, défenseur de l'art Tembé ». Cet art créé par les esclaves qui ont fui les plantations coloniales à la frontière entre la Guyane et le Suriname, servait de code secret pour communiquer entre eux. Yvano se pose en gardien de la culture, du langage, de la spiritualité et des arts afro-guyanais.
Musicien multi-instrumentiste, Yvano joue de la basse, de la guitare, du piano et des percussions. Âgé de 16 ans à peine, il rejoint en 2007 le groupe Kaseko Loco fondé par son frère et mentor Rico Lamoraille. Le Kasékò est une musique populaire guyanaise dont le rythme et la danse sont autogènes, c'est dire créés sur place par les autochtones. Le terme serait la créolisation de l'expression « casser le corps ».
Le Kasko Loco signifie donc l'orchestre contemporain qui accompagne le tambour et la danse. « Le groupe existait déjà mais mon grand frère manquait de musiciens. Ma mère lui a donc proposé de m'apprendre la musique. C'est lui qui m'a offert ma première basse et je me suis formé à tous les instruments du groupe ». Le jeune apprenti musicien au sein de sa formation, rencontre au Surinam et en Guyane française ses premiers succès discographiques et enchaîne les tournées marathons. L'aventure s'arrête en 2013 avec l'album éponyme Kaseko Loco, et Yvano lance sa carrière solo après avoir monté son studio d'enregistrement grâce à une subvention qu'il obtient de la municipalité guyanaise. Il produit son premier single Last Chance, un titre pop interprété en langue anglaise et rêve de s'expatrier en métropole.
Au fil des années, il se dirige vers une musique pop et mainstream en s'appuyant sur des modèles tels que Maroon 5, Pharrell Williams, The Weeknd ou Bruno Mars qui produisent des hits planétaires. En 2015, il s'installe en France et forme au Mans le groupe Negwhite Major et réalise l'EP I like this Way sous la direction du label Urban Music Tour. Il découvre alors avec son single le haut des classements dans les clubs français. Son groupe ne connaîtra qu'une durée de vie limitée et Yvano reprendra sa route et sa liberté deux ans plus tard. « J'ai obtenu mon tout premier disque d'or grâce à ma collaboration avec le label QLF du groupe PNL, en réalisant le hit « Elle a » pour le groupe de rap DTF. Puis j'ai monté avec mon frère Mezydream, Al Music Records notre label indépendant ». En Guyane et au Suriname ses titres sont régulièrement diffusés dans les médias et il se taille une réputation ainsi qu'une assise dans son milieu d'origine. Pour la France, le succès de son projet musical devra encore attendre. Il sait parfaitement qu'il n'est pas le seul artiste à s'être déplacé des îles vers la métropole pour tenter de décrocher du ciel son étoile et la concurrence est rude.
Yvano chante. Il chante en souvenir de sa mère Menig Alma partie un jour de pluie. Et depuis, le cœur serré, il chante comme pour conjurer le sort. Cet enfant star à haut potentiel présentait déjà les signes d'une précocité pour la musique, le chant et la maîtrise des instruments. Né le 16 janvier 1991 à Saint-Laurent du Maroni, Aouegui Lamoraille, 29 ans, grandit à Apatou au sein d'une famille d'artistes et de militants politiques, engagés dans les mouvements d'indépendance. « On a lutté pendant longtemps contre la Montagne d'or (...), et maintenant voilà un nouveau projet à même pas 30 kilomètres», confiait son père Antoine Lamoraille à nos confrères du Figaro. Avec le collectif Or de question, il s'est mobilisé contre le projet minier controversé en Guyane. Ce « nèg marron » lettré et décoré de l'Ordre des Arts et des Lettres, a transmis à tous ses enfants son combat pour le terrain de l'interculturalité.
Depuis l'an dernier, Yvano défend avec vaillance son album « Follow Me » qui marque son immersion dans la musique contemporaine de la pop africaine. Ce genre musical qui émerge depuis plus d'une décennie et qui s'infiltre dans les playlists mondiales, lui ouvre des nouvelles opportunités notamment par la diffusion de ses clips sur la chaîne Trace Africa. Il retrouve ainsi ses racines africaines et comprend, comme beaucoup d'intellectuels descendants d'esclaves et de colonisés, qu'il est difficile de s'accomplir en empruntant la culture et l'identité d'un autre. Par « philosophie de vie » et par attachement familial, il suivra les traces de son père en devenant lui-même quelqu'un ou quelque chose de flamboyant pour la Guyane, par son travail, son engagement auprès de la jeunesse, son respect des valeurs, des savoirs, des traditions et par son humble participation à la réconciliation des peuples.
1991 : Naissance à Saint-Laurent du Maroni
2007 : Entrée dans le groupe Kaseko Loco
2015 : Formation de son groupe pop Negwhite Major
2017 : Premier disque d’or avec le label QLF
2019 : Sortie de son premier album solo « Follow me »