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Interview

Alain Mabanckou : «Sitôt qu’on raconte l’Amérique, elle a déjà changé de visage»

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L’auteur de «Rumeurs d’Amérique» raconte sa rencontre avec les Etats-Unis, depuis son arrivée en 2002 jusqu’à l’élection de Joe Biden, qu’il accueille comme un soulagement. Difficile pour lui de saisir cette société fracturée : il l’observe au fil d’expériences qui le confrontent à son identité d’homme noir, à la fois africain et français.
Le 7 novembre dans le quartier West Hollywood de Los Angeles, après la victoire de Joe Biden.  (Photo Chelsea Lauren. SIPA)
publié le 15 novembre 2020 à 17h06

C'est un peu le troisième continent de sa vie. Alors qu'il enseigne aux Etats-Unis depuis presque vingt ans, dont quinze à la prestigieuse université UCLA, c'est la première fois qu'Alain Mabanckou aborde l'Amérique dans l'un de ses livres. Dans Rumeurs d'Amérique, un ouvrage très autobiographique, l'écrivain franco-congolais raconte les Etats-unis à travers son quotidien en Californie, les relations complexes qu'un Africain peut entretenir avec la communauté afro-américaine, mais aussi l'art de la sape ou l'émancipation que fut pour lui la découverte de la culture afro-américaine.

Quelles sont vos impressions après l’annonce de la victoire du démocrate Joe Biden à la présidentielle ? Soulagé ?

Je suis soulagé mais je suis aussi dans une interrogation. Je reste persuadé que même si Donald Trump a été battu, «le trumpisme», l’idéologie populiste qui a été imprimée pendant quatre ans en Amérique, a fait beaucoup de dégâts, aussi bien matériels que moraux. Il y aura forcément des enfants et des petits-enfants de cette idéologie. Donald Trump a montré aux Américains nostalgiques comment reconquérir la suprématie blanche dans un pays dont la photographie est pourtant en train de changer, avec une population métissée qui la redéfinit.

Comment avez-vous vécu cette période, vous qui résidez à Los Angeles ?

Parmi les dégâts moraux, je citerai l’arrogance des suprémacistes blancs. Sous Trump, ils n’avaient plus de raison de se réunir dans des caves, ils pouvaient défiler fièrement, soutenus par le Président sur les réseaux sociaux ; rendre leur parole publique, inventer une théorie du complot qui se tramerait contre eux et proclamer le retour d’une Amérique bl